En 1936, le jour de ses douze ans, William quitte l’Angleterre et se rend en Espagne. Il traverse un pays à feu et à sang pour les beaux yeux de sa dulcinée, afin de percevoir le gros lot de la loterie nationale. Accompagné de Passe-montagne, éloquent écuyer muet, il croisera Federico García Lorca, une tueuse sadique, Doña Pilar et son mannequin à roulettes, un sniper aveugle, les gardiennes du pont, tous issus de l’ordre noir ou du chaos rouge. “Dans El Gordo, les témoignages sont puisés dans ma propre famille. Du côté de mon père l’engagement était clairement franquiste mon grand-père ayant abandonné femme et enfants pour s’engager dans la phalange et participer au siège de Madrid, et du côté de ma mère s’était tout le contraire puisque mon grand-père était proche du président du gouvernement basque (Aguire) et aidait les réfugiés basques. Je voulais faire un remake de Don Quichotte (projet maudit s’il en est) parce que c’était le meilleur moyen pour traverser l’Espagne en guerre du nord au sud. Un moyen élégant, fluide.”

Lors de sa production, le réalisateur annonce aux Studios Ghibli qu’il s’agira de son ultime création. Le long-métrage d’animation raconte, sous forme romancée, la vie de Jirō Horikoshi, fasciné dès l’enfance par les avions, et qui devenu ingénieur concevra pour Mitsubishi, le fameux chasseur Zéro. L’œuvre, qui fait référence à Paul Valéry et Thomas Mann, propose une véritable plongée dans le Japon des années 20 et 30. Son personnage, rêveur et passionné jusqu’à l’aveuglement, est également un double fictif de Miyazaki, féru d’aviation et pacifique convaincu.

Les lynchages des Afro-américains conduisent l’auteur et son épouse à créer cet hymne pour le combat des droits civiques. « Corps noirs se balançant dans la brise du sud » sont les étranges fruits que donne cet arbre qui a « du sang sur les feuilles et du sang à la racine », comme un triste rappel des mots de Thomas Jefferson : « L’arbre de la liberté doit être revitalisé de temps à autre par le sang des patriotes et des tyrans ». En 1939, Billie Holiday en donne une interprétation définitive, refus de la discrimination raciale et de tout type de ségrégation. Un autre combat, une autre guerre.

Durant la guerre de Yougoslavie, Sarajevo est assiégée par les forces serbes. De 1992 à 1993, Ervin Rustemagic, son épouse et leurs deux enfants, croates, vont vivre dans des conditions extrêmes, sans eau ni électricité, cherchant leur nourriture sous les tirs de sniper alley. Le directeur d’agence communique à l’extérieur via son fax, véritable journal de guerre. L’un des destinataires est le célèbre dessinateur Joe Kubert qui en tire une œuvre bouleversante, où l’anormalité du quotidien devient norme

À la fin des années 50, le Japon traverse une profonde crise d’identité, traumatisé par Hiroshima et Nagasaki, et bouleversé dans ses repères culturels par l’occupation américaine. Influencé par Yukio Mishima et Jean Genet, Tatsumi Hijikata va alors créer le Butō, une forme radicalement originale d’expression corporelle, qui à la fois rejette et conserve la tradition, tout en s’imprégnant de la culture européenne. La « danse de l’ombre », qu’interprètent uniquement des hommes, met en scène des corps fardés d’un blanc craquelé, qui expriment joie et souffrance, les aléas de la vie.  

Canadien ayant travaillé dans les renseignements durant vingt ans au Pentagone, conseiller à la Maison-Blanche, l’auteur propose une histoire du stress au combat à travers les âges. Suicides des cavaliers du général Custer à Little Big Horn devant les Sioux qui s’arrêtent pour observer, stress post-traumatique quasi-ignoré durant les deux guerres mondiales, ravages en Corée, engagement forcé des délinquants durant le conflit vietnamien et qui s’avèrent héroïques, jusqu’aux recherches en laboratoire pour éliminer l’angoisse du soldat qui donnera, dans sa version civile allégée, le Prozac. Une lecture fascinante et nécessaire.

William Mandela est âgé de trente ans depuis de mille ans. Soldat engagé dans un conflit qui oppose l’humanité aux Taurans, extra-terrestres dont on ne sait rien, il doit composer entre son vécu rythmé par les sauts quantiques, et le temps qui s’écoule sur Terre. Changements sociaux, modifications des valeurs, relation amoureuse sans cesse contrariée, le combattant doit trouver un point fixe pour se donner une raison de poursuivre. Un classique, résolument anti-guerre mais pas antimilitariste, comme l’affirme l’auteur, vétéran du Viêt-Nam blessé en sautant sur une mine.

Durant la guerre du Pacifique, un pilote américain (Lee Marvin) et un officier de la marine japonaise (Toshirō Mifune) échouent sur une île. Voyant en chacun le radicalement autre, tour à tour la proie et l’ombre ils vont poursuivre la guerre réduite à sa plus simple expression. Le film, interprété par des vétérans du conflit, connaît deux fins alternatives. On pense à Hirō Onoda, lieutenant qui, de 1944 à 1974, vécut sur son île dans la conviction que la guerre continuait.

Billy Pilgrim, citoyen ordinaire, a la capacité d’effectuer des bonds dans l’espace-temps. Il se retrouve ainsi à différents âges, notamment lorsque, soldat prisonnier des Allemands durant la Seconde Guerre mondiale, il survit au terrible bombardement de la ville en se réfugiant dans d’anciens abattoirs. En partie biographique, l’auteur a vécu l’épisode de Dresde, un magnifique récit sur le peu de sens qu’à la vie, joliment adapté au cinéma par George Roy Hill en 1972.

Le soldat Joe (Timothy Bottoms) reçoit un obus au dernier jour de la Première Guerre mondiale. Réduit à un pain de viande sans bras ni jambe, privé de ses cinq sens, il n’en est pas moins conscient. Une infirmière (Diane Varsi) parviendra à établir le contact en utilisant le code Morse sur son torse. Film désespéré car superbe, où le Christ (Donald Sutherland), charpentier pour cercueil, lui dit « Je ne peux plus rien pour toi ». Un plaidoyer radical contre toute forme d’oppression, dû à un écrivain qui fut longtemps blacklisté par Hollywood à la suite du Maccarthysme.

Milo Tindle (Michael Caine), se rend chez Andrew Wike (Laurence Olivier), riche et célèbre auteur de romans policiers. L’écrivain a invité le coiffeur sachant qu’il est l’amant de son épouse. Très vite, dans la demeure gothique emplie de jouets, va se jouer un jeu du chat et de la souris. Difficile d’en dire plus sans en dire trop pour ce remarquable affrontement, ultime réalisation de Mankiewicz, peut-être son chef-d’œuvre. Après des années d’indisponibilité, il ressort enfin en DVD.

Une dispute ancestrale pousse les garçons des villages de Longeverne et Velrans à s’affronter. Le lecteur suit Lebrac, Camus, les frères Grangibus et Titgibus dans leurs batailles menées contre l’Aztec des Gués et ses troupes. L’enjeu ? Arracher à l’adversaire ses boutons qui valent pour trophée de victoire. Un magnifique roman sur le passage de l’état naturel d’enfance à l’âge adulte. Doux-amer et tristement prémonitoire, l’écrivain est mort durant la Première Guerre mondiale.