En septembre, à l'Institut Henri Poincaré, un des plus grands mathématiciens français (1854-1912), a été inauguré le premier musée consacré aux mathématiques avec lesquelles tout a commencé. L’exposition permanente, conçue en sept ateliers, rend passionnante cette matière qui, si elle a terrifié tellement d'élèves, nous ferait regretter aujourd’hui de ne pas avoir mieux travaillé à l’école. Pour quelques semaines encore, une exposition temporaire aide à mieux comprendre l’importance de l’IA dans ses applications actuelles, et dans les défis qui attendent l’humanité. Rien de moins.

Les notions de machines qui imitent, et de machines qui apprennent, ont été développées par Alan Turing dans son célèbre article Computing Machinery and Intelligence, en 1950. Dès 1936, avant même qu’il ne "casse" Enigma, la machine dont se servait l'armée allemande pour crypter ses communications, Turing pense une « machine universelle » : une machine qui pourrait manipuler des symboles et énoncer des propositions au sens logique du terme. Dans son essai, Elsa Boyer analyse la façon dont l’œuvre de Turing mêle habilement binarité de genre et interactions entre humain·es et machines. Elle aborde la question du genre dans l’univers de l’intelligence artificielle telle qu’elle a été pensée par Turing, homosexuel condamné à une castration chimique, qui se suicidera en 1952, à l’âge de 41 ans, en croquant une pomme empoisonnée au cyanure. Et les Beatles et Steve Jobs n'y sont pour rien...

Aujourd'hui, les algorithmes sont partout autour de nous. Ils nous fascinent autant qu'ils nous effraient parce qu'ils nous font craindre un monde où la machine finirait par l'emporter sur l'humain. Dans ce texte instructif et exigeant, Aurélie Jean (scientifique spécialisée dans les algorithmes et la modélisation numérique, que le magazine Forbes a classée parmi les 40 Françaises les plus influentes de l'année 2019) nous emmène par-delà la science-fiction à la découverte de ces entités mathématiques et numériques qui font désormais partie de notre quotidien, et pose la question de leur encadrement pour un monde plus juste et équitable. On peut rêver.

L’Ouvroir de Littérature Potentielle est un groupe de recherche littéraire fondé en 1960 par le mathématicien François Le Lionnais et l'écrivain et poète Raymond Queneau. L’OuLiPo est donc la preuve qu’il n’y a pas de frontière entre la littérature et les mathématiques. Mathématicien de formation avant de se tourner vers le journalisme, Hervé Le Tellier, membre de l’OuLiPo lui-même, a reçu le prix Goncourt en 2020 pour un roman qui peut se résumer ainsi : « Il est une chose admirable qui surpasse toujours la connaissance, l'intelligence, et même le génie, c'est l'incompréhension. »

Vers 1770, un écrivain hongrois a fait croire qu'il avait conçu un automate capable de battre les humains aux échecs. Cette supercherie, car supercherie il y avait, montrait toutefois l’importance qu’on accordait déjà aux échecs pour évaluer l’intelligence humaine. Et puis patatras, l’impensable arriva : en mai 1997, l’ordinateur Deep Blue défit Gari Kasparov, alors champion du monde incontesté du jeu. Malgré cette défaite, les échecs restent encore LE jeu de référence - avec le jeu de go dans lequel les ordinateurs se montrent aussi les plus forts. D'abord connu en France sous le titre Le Joueur d'échecs, Échecs est le dernier texte qu'écrivit Stefan Zweig avant de se donner la mort en 1942. Jean-Philippe Toussaint a réalisé cette nouvelle traduction de l’œuvre pendant l'écriture de son dernier livre, L'Échiquier, qui paraît simultanément aux éditions de Minuit. 64 cases un jour, 64 cases toujours.

“L'intelligence artificielle connaît son heure de gloire au tournant du XXIe siècle mais reste en partie opaque. Pour dissiper cette opacité, il lui faut en affronter une deuxième : celle de l'intelligence humaine. Celle-ci se qualifie par la manière dont nous faisons face aux situations dans lesquelles nous nous trouvons. L'intelligence est une notion irréductiblement normative, à l'image du jugement éthique ou esthétique, et c'est pourquoi elle est réputée insaisissable. Un système artificiel «intelligent» connaît, non pas les situations, mais seulement les problèmes que lui soumettent les agents humains. C'est sur ce point uniquement que l'intelligence artificielle peut nous épauler. L'humanité a besoin d'outils dociles, puissants et versatiles, et non de pseudo-personnes munies d'une forme inhumaine de cognition.”

Dans le premier épisode de la série de quatre émissions qu’elle a consacré à la vie dans un monde virtuel, Géraldine Muhlmann s’interroge, avec ses invités Laurence Devillers et Jean-Gabriel Ganascia, sur la vraie nature de l’intelligence artificielle. En ce qui concerne les capacités intellectuelles des outils virtuels, nous serions démunis, incapables de bien jauger leur portée, leur dangerosité ou leur bénéfice. Quelles sont les facultés propres de l'intelligence artificielle, et sont-elles comparables à celles de notre cerveau humain ? C’est maintenant qu’il faut discuter les futurs possibles sous influence de l’IA. 

Un vieux dicton (à l’échelle du temps numérisé) disait : “sur internet, si c’est gratuit, c’est toi le produit”. On le sait maintenant, toutes nos traces numériques sont connues, décryptées, stockées et utilisées pour mieux nous transformer en consommateur idéal et en citoyen au comportement prévisible, normé, grâce à nos meilleurs espions Shazam, Spotify, Velib', AirBnB, Facebook, Amazon, etc. Bienvenue dans la société du profilage ! 

“Los Angeles, dans un futur proche. Theodore Twombly, un homme sensible au caractère complexe, est inconsolable à la suite d’une rupture difficile. Il fait l'acquisition d'un nouvel OS ultramoderne... En lançant le système, il fait la connaissance de Samantha, une voix féminine intelligente, intuitive et étonnamment drôle. Les besoins et les désirs de Samantha grandissent et évoluent, tout comme ceux de Theodore, et peu à peu, ils tombent amoureux.” Encore mieux qu'un site de rencontre.

Première Loi : Un robot ne peut porter atteinte à un être humain ni, restant passif, laisser cet être humain exposé au danger. Deuxième Loi : Un robot doit obéir aux ordres donnés par les êtres humains, sauf si de tels ordres entrent en contradiction avec la Première Loi. Troisième Loi : Un robot doit protéger son existence dans la mesure où cette protection n'entre pas en contradiction avec la Première ou la Deuxième Loi. On croise les doigts, et on espère très fort que les lois imaginées par Asimov en 1967 soient affichées en grand dans tous les centres de recherche en IA !

Dans Metropolis, Fritz Lang crée deux des thèmes principaux de la science-fiction telle que nous la connaissons aujourd'hui : l'intelligence artificielle et la perte du contrôle des hommes sur leurs créations technologiques. Des thèmes récurrents dans le cinéma de science-fiction dès ses débuts, et que l’on retrouvera dans Blade Runner, 2001 : L'Odyssée de l'espace, Matrix,… Dans le film de Fritz Lang, ils sont incarnés dans Futura, une androïde qui échappe très vite au contrôle de son maître, comme Frankenstein créé par Mary Shelley en 1818. Métropolis, ou les surprises de la domotique...

Quelque part, l’impact de Kraftwerk dans la musique pop-électro est aussi important que celui du Velvet Underground dans le rock. Sauf que Kraftwerk a rencontré un succès mondial. The Man-Machine est l’album qui a forgé le son et le style des débuts de l'électro-pop tout droit sorti de la new wave, mais moins minimaliste dans ses arrangements et plus dansant. De David Bowie au label Underground Resistance, l’influence de Kraftwerk ne connaît pas de limite. The Man-Machine, c'est aussi l’album sur lequel le thème des robots est porté à son paroxysme comme l’illustre le premier morceau “The Robots”. C’est en 1981 que des robots à l’image des membres du groupe seront installés sur scène. “La Mensch Machine est notre concept acoustique, et Kraftwerk, c’est la centrale électrique. »