La sélection de Jonathan Millet

La période estivale donne souvent l’occasion de découvrir des films qu’on n’attendait pas. Les Fantômes, projeté en ouverture de la Semaine de la critique à Cannes et salué comme une grande réussite, est de ceux-là et sortira mercredi prochain. Jonathan Millet a déjà réalisé plusieurs documentaires multi récompensés, dont Ceuta, douce prison en 2012, ou Et toujours nous marcherons en 2017, Les Fantômes est son premier film de fiction. De son expérience de documentariste il a gardé cette recherche d’un cinéma animé d’un rapport très sensoriel aux choses et à la profondeur de ses personnages qui créent dans son film d’espionnage une tension rare. Jonathan Millet a accepté de nous livrer sa sélection qui vient clôturer, en beauté, cette saison.

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    Les Fantômes

    Jonathan Millet - Video - Memento - 2024

    Hamid est membre d’une organisation secrète qui traque les criminels de guerre syriens cachés en Europe. Sa quête le mène à Strasbourg sur la piste de son ancien bourreau. J’essaie de continuer à explorer cette idée d’un film qui vient toucher aux bouillonnements de l’esprit, aux tourbillons intérieurs, au subconscient, à me dire que le cinéma peut permettre d’accéder à cet invisible-là, qui est un territoire qui me paraît absolument fascinant qui est le cœur des pensées de tout un chacun.

  • Ceuta, douce prison

    Jonathan Millet - Video - Les Alchimistes Films - 2014

    Ceuta, Douce Prison suit les trajectoires de cinq migrants dans l’enclave espagnole de Ceuta, au nord du Maroc. Ils ont tout quitté pour tenter leur chance en Europe et se retrouvent enfermés dans une prison à ciel ouvert, aux portes du vieux continent. Ils vivent partagés entre l’espoir d’obtenir un « laissez-passer » et la crainte d’être expulsés vers leur pays. " (...) Soudain, l’humanité est rendue à ces migrants que l’Occident voudrait réduire à une masse importune. Le film est digne et douloureux comme ses héros." Télérama

  • Harry Gruyaert

    Harry Gruyaert - Livre - Actes Sud - Photo Poche - 2022

    Harry Gruyaert est un photographe qui a, je trouve, une manière d’être réaliste et hyper stylisé à la fois, avec un travail sur la douceur des couleurs qui me fascine et qui me permet de regarder inlassablement ses œuvres. Il y a d’abord ce qui ressort au premier regard, puis, ensuite, ce que l'œil va chercher. On a alors le sentiment de découvrir différemment le monde dans la manière dont les couleurs se superposent ou ressortent. C’est d’une part un plaisir personnel, mais ça a aussi été une des clés pour penser à quoi devait ressembler Les Fantômes, c’est à dire que le style ne doit jamais être au-dessus du film, et que chaque choix de couleur doit être pensé. L’exposition présentée au Bal l’année dernière m’avait fasciné.

  • Saul Leiter

    Max Kozloff - Livre - Actes Sud - Photo Poche - 2023

    Ce qui me fascine chez Saul Leiter, c’est la question du double regard. Il y a d’abord le plaisir du regard instantané, et ensuite on comprend ce qu’on a sous les yeux. Pour moi c’est presque un principe de cinéma. De dire, ne montrons pas tout au premier regard, laissons le spectateur trouver exactement ce qui se passe, l’enjeu, le détail, à l’intérieur même d’un plan. En tant que spectateur ça me ravit de le faire. J’ai l’impression de participer au film, d’être partie prenante. C’est ce que j’aime en tant que réalisateur, et je trouve que Saul Leiter a cette intelligence-là, en une seule image. Ça me paraissait être une direction très forte pour Les Fantômes. 

  • Conversation secrète

    Francis Ford Coppola - Video - Pathé - 1974

    J’ai envie de faire des films qui sont ceux que j’irais voir au cinéma. Je suis un vrai spectateur et j’ai envie d’être pris par une intrigue. C’est pourquoi le genre, et notamment l’espionnage, avec la tension, l’intensité des personnages, le rapport au monde et à la géopolitique, au contemporain, me plait. Mon grand modèle, c’est Conversation secrète. Ce qui me parle le plus dans ce film, c’est la solitude et l’obsession du personnage. C’est un modèle qui me passionne. J’imagine qu’en tant que réalisateur je m’identifie complètement à sa solitude et à son obsession, mais en tant que spectateur je suis complètement porté par ce type de personnage. 

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  • Munich

    Steven Spielberg - Video - DreamWorks - 2005

    Pour réaliser Les Fantômes, j’avais envie de m’éloigner de certains modèles. Il fallait donc que je prenne un film un peu classique et enlever tout le spectaculaire pour trouver une autre manière de le raconter. Comme Munich, mais en enlevant les armes et les coups de feu. Ce qui m’intéresse, c’est de rendre les moments de creux aussi intenses que les scènes d’affrontement. Je cherchais à travailler sur comment on charge assez le film, les personnages, la tension, pour que des moments qui paraissent extrêmement anodins puissent relever, pour le spectateur, d’une tension beaucoup plus forte que des gens qui se tapent dessus. 

  • The Mission

    Johnnie To - Video - Océan Films - 1999

    J’ai plutôt des références qui viennent du cinéma asiatique, notamment un film comme The Mission, de Johnnie To, qui permet en un plan de laisser le spectateur se projeter complètement dans l’histoire. Je pense à cette scène d’amour, un simple regard dans un rétroviseur, mais qui nous laisse imaginer toute la passion et toute la folie qui dévorent les deux personnages. Simplement avec un plan fixe filmé au creux d’un rétroviseur. Toutes les scènes de The Mission sont extrêmement surprenantes parce qu’elles s’arrêtent quand les autres commencent. Je trouve ça extrêmement brillant cette idée de dire que le cinéma n’est pas fait que pour être démonstratif, mais aussi pour aller chercher ces moments suspendus, ces moments entre deux, ces moments de creux. 

  • Fitzcarraldo

    Werner Herzog - Video - Potemkine Films - 1982

    Fitzcarraldo, c’est le film qui m’a fait entrer dans le cinéma, qui m’a fait dire que c’était exactement ça que je voulais faire dans la vie. Ça me transportait plus que tous les autres arts. L’exploration de l’âme humaine, de la folie, de l’ailleurs, du rapport des sociétés… Je ne vois pas comment on peut aller plus loin que dans Fitzcarraldo dans l’exploration de l’âme humaine, qui reste, pour moi, le point le plus haut dans le cinéma. Ce film, c’est ma boussole sur le fait que dans un film tous les personnages doivent être complexes, qu’il ne doit jamais y avoir trop de choses dites, que l’intensité doit toujours être là. Le film doit nous porter, il doit être plus haut que tout. Fitzcarraldo est vraiment ma plus grande référence. 

  • Mulholland Drive

    David Lynch - Video - Studiocanal - 2001

    Ça m’a toujours intéressé d’imaginer des films qui cherchent l’invisible, ce qui se passe au plus profond des personnages. J’y ai travaillé par le trauma, j’ai essayé de travailler sur la question du rêve, et à la fin de mon adolescence je suis tombé sur Mulholland Drive qui s’est ancré en moi. Quand je le regarde aujourd’hui, je ne pense pas qu’il soit parfait, mais je sens bien à quel point il vient créer une temporalité qui n’est pas celle habituelle des films. Il vient jouer sur quelque chose qui me paraît extrêmement spécifique, extrêmement singulier. On est entre l’analyse des rêves et la psychiatrie, c’est l’inconscient mis en images. Et c’est fait avec un brio sans pareil. 

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  • Outremonde

    Don DeLillo - Livre - Actes Sud - 1997

    J’ai grandi un peu en vivant sur un catamaran, au loin, au fin fond des montagnes. Je n’ai pas eu de télé avant quasiment mes dix-sept ans, et donc mon rapport au monde, ma projection, s’est beaucoup faite avec la littérature. J’avais bien conscience que je voulais raconter des histoires, mais pas à travers la littérature, même si c’est elle qui m’a porté. J’ai très vite été happé par la littérature américaine des années soixante-dix, quatre-vingt. Don de Lillo a longtemps été mon héros. Je l’ai découvert avec Outremonde, une absolue référence. J’ai eu l’impression d’avoir découvert un monde entier en six cents, sept cents pages, d’avoir parlé à une ville, d’avoir découvert le plus profond de chaque être à l’intérieur de cette ville, à quel point chaque personnage est différent, animé par des pulsions différentes. C’est extrêmement brillant à cet endroit-là. 

  • Les Corrections

    Jonathan Franzen - Livre - Points - 2001

    La lecture de Don DeLillo m’a assez vite conduit vers ceux qui gravitent un peu dans le même cercle, comme Franzen avec Les Corrections que je mets au même endroit d’absolue précision de la découverte des êtres. C’est ce qui me porte, la sensation de découvrir des personnages et de les découvrir en profondeur. Globalement, le style, en cinéma comme en littérature, m’intéresse beaucoup moins que la sensation de plonger dans la complexité des personnages. De me dire, là je vois la construction et elle est fabuleuse parce que ces êtres sont tout aussi complexes que ceux qu’on peut rencontrer dans la vraie vie. Moon Palace de Paul Auster aussi, a été une référence à cet endroit-là. 

  • Master and Everyone

    Bonnie 'prince' Billy - Audio - 2003

    En écrivant mes premiers films, j’ai beaucoup été porté par Bonnie “Prince” Billy, cet artiste qui a ramené le folk américain à l’os, une musique mélodique et triste à la fois. Il s’est aussi un peu tourné vers le cinéma. 

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    Cinéaste et poète du réel

    Artavazd Pelechian - Video - 1970-1993

    Les Fantômes est animé par un rapport très sensoriel aux choses. Ce qui m’a ouvert vers ce type de cinéma, qui fait que j’essaye aujourd’hui encore de regarder autant que possible du cinéma expérimental, du cinéma audacieux, qui ose bouger les formes, s’est fait avec la découverte de Artavazd Pelechian, un cinéaste Arménien culte pour ceux qui connaissent son travail. J’ai en tête ce film qui s’appelle Les Saisons (1972), en noir et blanc, qui travaille la répétition, qui est purement musical. À un moment, ces images ont une portée hypnotique et poétique à la fois. On sent bien qu’on est au plus profond de l’Arménie, et en même temps ça résonne dans une sorte d’inconscient global, et ça devient de la poésie par l’image. Ceux qui le connaissent lui vouent un vrai culte. Je recommande la lecture d’un entretien entre lui et Godard en 1992. 

  • La Libertad + Los Muertos + Fantasma + Liverpool

    Lisandro Alonso - Video - Potemkine Films - 2001-2008

    Je me suis aussi intéressé à beaucoup de ces films argentins très sensoriels, ceux de Lisandro Alonso à ses débuts par exemple, très épurés et en même temps dans la dilatation du temps, dans la contemplation, qui sont des choses que je trouve très fortes.

  • Les films de l'École de Łódź

    Ecole de Łódź - Video - 2024

    Je regarde aussi des films documentaires qui viennent de ces jeunes réalisateurs Polonais de l’école de Łódź, qui ont un rapport complètement décomplexé à la manière dont on travaille le son dans le réel, aux gros plans sonores, aux sons déformés. Ça me passionne de pouvoir me dire qu’il y a différentes manières de s’emparer du réel. 


Les Fantômes
Jonathan Millet

Ceuta, douce prison
Jonathan Millet

Harry Gruyaert
Harry Gruyaert

Saul Leiter
Max Kozloff

Conversation secrète
Francis Ford Coppola

Munich
Steven Spielberg

The Mission
Johnnie To

Fitzcarraldo
Werner Herzog

Mulholland Drive
David Lynch

Outremonde
Don DeLillo

Les Corrections
Jonathan Franzen

Master and Everyone
Bonnie 'prince' Billy

Cinéaste et poète du réel
Artavazd Pelechian

La Libertad + Los Muertos + Fantasma + Liverpool
Lisandro Alonso

Les films de l'École de Łódź
Ecole de Łódź

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  • Jonathan Millet | Les Fantômes
  • Jonathan Millet | Ceuta, douce prison
  • Harry Gruyaert | Harry Gruyaert
  • Max Kozloff | Saul Leiter
  • Francis Ford Coppola | Conversation secrète
  • Steven Spielberg | Munich
  • Johnnie To | The Mission
  • Werner Herzog | Fitzcarraldo
  • David Lynch | Mulholland Drive
  • Don DeLillo | Outremonde
  • Jonathan Franzen | Les Corrections
  • Bonnie 'prince' Billy | Master and Everyone
  • Artavazd Pelechian | Cinéaste et poète du réel
  • Lisandro Alonso | La Libertad + Los Muertos + Fantasma + Liverpool
  • Ecole de Łódź | Les films de l’École de Łódź

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