Avec Rousse, Denis Infante met le lecteur dans la peau d’une jeune renarde qui décide de quitter ses semblables pour partir à la recherche d’un monde meilleur, de l’autre côté d’un fleuve. “Dans un monde abîmé par l’être humain, comment donner à entendre les voix du vivant ? Comment écrire une Terre où l’espoir réside en d’autres êtres, en d’autres sensibilités que les nôtres ? A quoi tient notre perception des non-humains ? Ce sont ces questions fondamentales que soulève Rousse ou Les beaux habitants de l’univers.“ Valérie Cibot - Diacritik ( voir Denis Infante dans La Grande Librairie )

Ce court roman m’a été conseillé par Olivier Renault, Grand chef de la librairie La petite lumière, à Paris 14e. Je ne sais pas pourquoi, mais j’avais imaginé une histoire qui se déroulerait à la fin du XIXe siècle. Pas du tout. Cela se passe de nos jours, quelque part dans un hameau perdu, en ruine, au fin fond de collines ensauvagées. Tous les soirs, sur la colline qui fait face au village, il y a une petite lumière qui s’éclaire. Et le narrateur, dans sa solitude voulue, va chercher à connaître son origine. C’est une étrange histoire d’amitié entre un enfant et un adulte. Une histoire de fantômes ? De mort et peut-être aussi de résurrection.

Une chute d’ascenseur qui n’aurait jamais dû se produire et qui pourtant, défiant toute logique, contredisant l’avis des meilleurs experts, se produit. Et voici le narrateur, Paul Sneijder, seul survivant du drame et endeuillé de sa fille, son unique enfant. Paul Sneijder a vu ce qu’aucun père ne devrait voir. Suit une longue et difficile tentative de reconstruction qui passe par l’obsession maniaque portée à ce premier moyen de transport mécanique en nombre de passagers transportés et de distances parcourues qu’est l’ascenseur, qui passe aussi par le désintérêt à peine voilé pour son couple moribond, mais aussi par le saugrenu métier de “promeneur de chiens“. Un vain mais nécessaire combat contre le désespoir. Un grand roman de Dubois.

Parce que c’est un livre qui parle d’amours au pluriel, de ce que ce mot renferme de sentiments différents, contradictoires aussi. Et de violence. Et de mensonges. Et de duplicité. Qui parle aussi du monde paysan vu de l’intérieur, de l’attachement obligatoire, nécessaire, à quelques lopins de terre, ce à quoi peu de romans, me semble-t-il, s’attachent à décrire. Et puis il y a des cochons, animaux que j’ai fréquenté dans ma lointaine jeunesse. Animaux doux, sensibles, mais très dangereux aussi pour peu qu’ils aient été “correctement“ affamés. J’en veux beaucoup à Cécile Coulon d’avoir choisi le Dictionnaire historique de la langue française, d’Alain Rey, que j’aurais volontiers inscrit dans ma propre sélection.

J’ai entendu parler de ce roman, le premier de Léna Ghar, dans l’émission De vive(s) voix, de Pascal Paradou, sur RFI. C’est la personnalité de l’auteure, sa façon de jouer le jeu tout en gardant ironie et distance, qui m’a intrigué. J’ai acheté le roman, je l’ai lu, et franchement, j’ai trouvé ce texte excellent. Inventif dans la langue, fort, généreux, cruel et sauvage. Un combat à la mort à la vie entre la narratrice et “sa monstre intérieure”, comme elle nomme sa difficulté d’être au monde.

Le film d’Henri Verneuil est une adaptation du roman de Constantin Virgil Gheorghiu. C’est l’histoire d’un être simple, confronté à la folie de l’Histoire, à la folie des hommes, à une machine administrative infernale, tour à tour dénoncé comme juif aux nazis, puis présenté par ces derniers comme le parfait représentant de la “race“ aryenne. À la fin de la guerre, après des années de douleurs et d’errances, il retrouve enfin sa femme, sur le quai d’une gare. Elle tient par la main son enfant, né d’un viol. Un journaliste, à la recherche d’une image choc, colle littéralement cet enfant dans les bras de l’homme sidéré, enfant qu’il n’a évidemment jamais vu et dont il ne peut pas être le père. Et ce journaliste lui demande de sourire. “Souriez, souriez!“ Et l’homme sourit. Ou il pleure. Ou il a juste envie de mourir ! Et si vous voulez voir ce qu’un acteur est capable de transmettre, juste par sa présence, alors voyez cette fin, qui à chaque fois me déchire.

Ce roman de Maylis de Kerangal est une description à la fois précise, « clinique » du processus de don d’organe, mêlée aux sentiments exacerbés, sensibles, qui traversent les différents protagonistes tout au long de ces quelques heures qui séparent la mort tragique du donneur de la transplantation de ce cœur de rechange dans la poitrine de la receveuse. J’ai vu une adaptation théâtrale du roman, avec Vincent Dissez. C’était après avoir l’avoir lu, je savais donc vers quoi nous allions. Pendant les cinq premières minutes du spectacle, j’ai eu envie de partir, de fuir plutôt, parce que c’était tellement fort, tellement “vivant“ justement, que j’avais peur de ne pas supporter la suite ! Je suis resté. Aux saluts, toute la salle était debout ! Et beaucoup étaient en larmes.

Un spectacle, léger, tendre, surprenant, fait de presque rien et qui vous emporte vers les vents d’altitude. Un meneur de jeu, façon capitaine au long cours, une demi-douzaine de ventilateurs disposée en cercle, quelques sacs plastiques des plus banals, et voilà que s’élève, danse, s’attire et se repousse tout un monde de créatures aériennes sur la musique réinterprétée de Debussy.

J’ai découvert ce vinyle à sa sortie, au début des années 70. Ce fut, et ça reste, une claque. Le concept d’un album de chansons construit comme un opéra était peu connu à l’époque. La musique est un mélange de symphonie et de rock. Et les paroles… Cette histoire, qui n’en est pas une, de la fin d’une galaxie ! De la pure poésie ! Et puis la face B, avec cette “Élégie funèbre“ qui résume en quelques vers, notre condition : “Couvrez mon front de fleurs mauves, si voyez que ma vie se sauve“. Que dire d’autre ?

J’ajoute cette chanson pour toutes les collaborations entre Stephan Eicher et Philippe Djian. Parce qu’il s’en dégage un fort parfum de nostalgie. La fin des amours, la continuation de la vie, parce qu’il le faut bien. Sous une autre forme. La solitude à peine rompue par un appel qu’on n’espérait plus. Et la musique d’Eicher, cette ballade douce-amère, comme une berceuse pour les grands enfants que nous sommes tous. La description sensible d’un monde dans lequel j’aimerais vivre, où on peut avoir des peines de cœurs, des déchirements indicibles et en faire une chanson.

À écouter et à voir aussi. Cette répétition d’un thème en perpétuelle transformation, comme un souffle, le bruissement du vent dans les frondaisons d’un arbre par grand soleil. Parce que nous, les humains, avec un peu de bonne volonté, un peu d’écoute de l’autre, et énormément de travail, nous pouvons réaliser des œuvres collectives qui nous transcendent, nous grandissent.

3 courtes histoires illustrées. “Momo fait de la photo“, “Momo ouvre un magasin“, “Mais qu’est-ce qu’il a Momo ? “. Momo, un improbable alligator, vivant sur une improbable plage à cocotiers, entouré de singes, flamants roses, fourmis, éléphants, piranhas etc., tous doués de langage... Un peu caractériel Momo. Un peu frimeur, un peu dépressif et très râleur. Disons-le tout net, un vrai casse-pied. Un monde si éloigné de nous, qu’on finit par s’y retrouver, avec nos manies, nos obsessions, nos coups de blues. Et puis parce qu’on ne fait pas assez de place, dans les médias, à la littérature dite pour enfant, et parce que j’aime beaucoup le travail de Nadja.