Dixième album et retour en grâce pour l'un des acteurs les plus discrets de la chanson française. Avec cet Ambrosia irradiant de poésie, Arman Méliès signe son album le plus flamboyant, “un disque assez épuré, avec assez peu de choses mais agencées de façon subtile”, un album qui fait la part belle aux guitares acoustiques et aux textes sur lesquels planent les ombres d’Emily Dickinson et d’Andrée Chedid. Épaulé par le batteur-percussionniste américain Adam Bradley-Schreiber (Timber Timbre), et par la violoniste Pauline Denise, Arman a enregistré seul, entre Detroit, Paris et la campagne gâtinaise, avant de confier le tout aux mains expertes de Yann Arnaud (Dominique A, Camille, Air, Syd Matters, Alex Beaupain...). Un retour en grâce on vous dit.

« J’ai lu Une Cathédrale à soi récemment, et j’ai été saisi par le travail sur la langue. Ce n’est pas juste un page turner. C’est le premier roman que je lis de James Lee Burke, et même si je comprends qu’on y retrouve des personnages récurrents, on rentre facilement dans cet univers pour la première fois. Dans cette histoire, on est au bord du fantastique. Ce personnage, cette figure diabolique, qui voyage dans le temps, hante le livre et ajoute un côté métaphysique à cette histoire par ailleurs très noire, très dure. En général, je ne suis pas un grand lecteur de polar qui me tombe souvent des mains. Là, j’ai découvert un univers. J’ai adoré. » 

« Laura Marling est une artiste anglaise qu’on pourrait rapprocher de Joni Mitchell, et que j’ai beaucoup écoutée avant d’enregistrer mon disque. C’est harmoniquement très riche, très travaillé, avec des accordages de guitare assez spéciaux, mais tout ça est très dépouillé, notamment sur son dernier album qu’elle a composé après la naissance de sa fille, et sur lequel elle s’est interdit toute percussion pour ne pas la réveiller en studio ! »

« J’ai beaucoup écouté Raising Sand avant d’enregistrer mon album. Le son et l’utilisation de chaque instrument sont époustouflants. J’ai écouté un nombre incalculable de fois certains morceaux pour deviner quelle guitare était branchée sur quel ampli, quel type de réverb était utilisé… Au final je n’avais pas toujours les instruments pour faire la même chose, mais c’est un moyen d’enchanter les moments d’enregistrement, de créer une mythologie. Je m’invente des histoires qui me transportent ailleurs pendant que j’enregistre. Et quand, le lendemain, je réécoute les prises de la veille, je me dis que ce travail, je ne l’aurais pas fait spontanément sans ces influences. » 

« Cabaret Contemporain est un groupe de cinq musiciens qui sortent du conservatoire où ils ont aussi bien travaillé le jazz que la musique contemporaine. C’est un ensemble très savant, mais en travaillant le son de leurs instruments acoustiques ils font quelque chose de complètement surprenant. Leur musique, bien que complètement acoustique, c’est de l’électro. Ils créent un univers sonore complètement inédit. Les compositions sont solides avec des passages paysagistes, presque ambiant. C’est vraiment magnifique, c’est un disque que j’écoute beaucoup. »

« Bien-être c’est l’histoire d’un couple qui se rencontre à Chicago. Lui est photographe, elle est universitaire embauchée pour mener des études sur l’effet placebo appliqué à toutes sortes de domaines. On va suivre leur parcours et l’évolution de leur histoire d’amour. C’est un roman dans lequel il y a beaucoup de références scientifiques qui sont passionnantes parce que vulgarisées avec énormément d’extraits d’ouvrages. Au fil de la lecture, on comprend qu’on n’est pas tout à fait libre de son destin, que les déterminismes sont partout, surtout là où on ne les voit pas, même quand on a l’impression de s'émanciper d’une profession purement alimentaire en se disant artiste. Toutes ces choses nous conditionnent et conditionnent nos histoires d’amour. C’est très brillant, et j’ai adoré ce livre. » 

« J’adore tous les livres de Richard Powers, en particulier Le Temps où nous chantions, même si j’ai beaucoup de mal à en parler ! Peut-être que pour pénétrer dans son œuvre il est plus facile de commencer par L’Arbre monde dans lequel chaque personnage à un rapport particulier avec la nature. Chaque chapitre qui présente chacun des personnages pourrait être un roman en soi tellement ces portraits sont riches de sens et la forme tellement belle. J’adore de plus en plus quand la science à son mot à dire dans la littérature. J’aime beaucoup quand il y a de la poésie, du romanesque, de la spiritualité mais, sans doute est-ce un effet de l’âge, j’aime bien avoir les pieds sur terre. En gros, j’aime bien qu’on me raconte des histoires mais je n’aime pas quand on m’embobine. Par exemple, ce rapport à l’arbre peut être complètement mystique, mais les études de ces dix ou vingt dernières années montrent que les forêts peuvent n’être constituées que d’un seul arbre qui, par rhizomes, s’est étendu sur des dizaines ou des centaines de kilomètres, des arbres qui communiquent entre eux mais aussi avec d’autres espèces. Toutes ces choses me passionnent, et je retrouve tout ça dans ce roman. C’est une somme incroyable qui m’a sidéré et dans laquelle le romanesque à toute sa place. » 

« Cette série Espagnole a été un grand choc. C’est le portrait d’une famille dans l’Espagne des années quatre-vingt à aujourd’hui, et notamment de la mère dont on suit l’évolution et ses rapports à la religion à travers plusieurs périodes. C’est à la fois très simple et très beau visuellement. Il y a une dimension un peu spirituelle, ça parle aussi de la manipulation, de la violence, voire de la folie. C’est très mystérieux et fantastique. Les comédiens sont dingues, notamment les trois comédiennes qui jouent la mère à trois époques différentes. On est embarqué dans cette histoire qu’on ne lâche pas jusqu’à la fin. » 

« C’est l’histoire d’un prof d’histoire à l’ancienne, bourré de principes, très sévère, détesté de tous ses élèves, et qui est chargé de garder ceux qui ne rentrent pas dans leur familles pendant les vacances de Noël. Reste aussi la cuisinière qui a perdu son fils à la guerre. Tout ce petit monde va apprendre à se connaître et à s’apprécier. C’est vraiment drôle, subtile parce que le réalisateur évite les grosses ficelles du feel good movie. C’est un peu l’anti Breakfast Club. A la fin, je me suis dit que c’est dommage que les producteurs n’en aient pas fait une série, j’aurais pu vivre avec eux pendant deux mois sans problème ! »

« Mark Hollis est une référence depuis des années. Je connaissais un peu Talk Talk, son ancien groupe, à travers quelques titres mais je n’avais jamais creusé leur univers. Cet album je l’ai découvert par hasard en me trompant de CD sur une borne d’écoute ! Séduit et intrigué je l’ai acheté et je l’ai écouté en boucle des semaines entières. Encore aujourd’hui je l’écoute avec la même intensité, le même étonnement, le même plaisir. C’est un album qui m’a beaucoup influencé dans mon approche de faire de la musique, dans cette obsession de la prise qui va être la bonne. Non pas parce qu’elle est parfaite techniquement, mais parce qu’elle véhicule la bonne émotion. C’est d’ailleurs la première fois, sur Ambrosia, l’album que je viens de sortir, que j’ai le sentiment d’avoir un peu réussi dans ce domaine. »

« Hermann Hesse est un auteur qui m’a accompagné pendant des années et que j’ai beaucoup lu entre vingt et trente ans. Il y avait toujours un bouquin d’Hermann Hesse qui trainait dans mes bagages. Si certains de ses romans sont, je trouve, ancrés dans un humanisme que je trouve un peu désuet aujourd’hui, Le Loup des steppes est plus étrange, plus dérangeant. Le personnage principal est un écrivain qui vit dans une petite ville d’Allemagne, dans une petite pension, engoncé dans cette petitesse, et qui cherche quelque chose de plus grand. Un jour il rentre dans un cabaret et va vivre des choses hallucinantes, très étranges. »  

« La première fois que j’ai vu ce film à la télé j’étais jeune et je n’ai pas tout compris, mais en même temps j’étais complètement fasciné. Par la suite j’ai compris ce qui m’avait fasciné. Il y avait cette fresque, cette façon de suivre ces personnages avec lesquels on grandit, mais surtout il y avait la musique ! Cette musique de Morricone m’avait bouleversé sans que je m’en rende compte. Pourtant, tout petit, j’ai été traumatisé par Morricone à cause de ma mère qui écoutait la musique d’Il était une fois dans l’ouest, et dont certains morceaux, comme celui de “L’Homme à l’harmonica”, me terrorisaient. Je n’allais pas m’enfermer dans ma chambre, je restais derrière le fauteuil, j’écoutais mais j’avais peur ! Ce qui est drôle c’est que quand j’ai sorti mes premiers disques, des journalistes me disaient qu’il y avait un côté Morricone dans ma musique ! »