Mapplethorpe/Rodin, les fleurs du mâle

2 mai 2014

Parallèlement à la rétrospective Robert Mapplethorpe (1946-1989) qui attire les foules au Grand Palais (jusqu’au 13 juillet), le musée Rodin confronte (jusqu’au 21 septembre) 102 photographies à 50 œuvres du sculpteur (1840-1917). Là où un premier Mapplethorpe versus Rodin, à Düsseldorf en 1992, insistait sur l’opposition des approches respectives de leur centre d’intérêt commun, le corps, cette fois, c’est un dialogue qui est mis en scène. A un siècle de distance, ces deux adorateurs de Baudelaire convergent : l’un vient des instantanés louches mais cherche la beauté de la statuaire classique ; l’autre injecte une liberté nouvelle dans ses bronzes et marbres. Leur rencontre est aussi celle de deux villes et de deux époques bouillonnantes, le New York des proto punks des années 70 et le Paris des avant-gardes du début du XXe.

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  • Polaroids Mapplethorpe

    Sylvia Wolfe - Livre - Prestel - 2013
    En 1970, il achète son premier appareil. Mapplethorpe a déjà 24 ans et toujours pas la vocation. Il veut juste ajouter ses propres Polaroïd aux photos découpées dans les magazines avec lesquelles il crée des collages, inspirés des “boîtes surréalistes” et autres assemblages du sculpteur américain Joseph Cornell. Très vite, cependant, ses clichés auront leur propre vie et seront ses premières œuvres exposées, en 1973. Alors que sa liaison avec Patti Smith s’achève, il travaille sur sa découverte des milieux homosexuels new-yorkais. Semi-célébrités, autoportraits et scènes SM, son univers visuel se met en place.
  • Rodin, la chair, le marbre

    Catalogue de l’exposition du musée Rodin - Livre - Hazan - 2012
    Pour ses œuvres les plus célèbres, Rodin a surtout travaillé le plâtre (l’original des Bourgeois de Calais) et le bronze (Le penseur, La porte de l’enfer). Mais la liberté de forme qu’il a apportée à la sculpture touche aussi au matériau réputé le plus classique de la discipline. L’artiste exploite à fond les jeux de lumière quasi photographiques que permet le marbre (clairs-obscurs et reflets presque colorés), tout en lui appliquant des traitements alors révolutionnaires, comme le “non finito”, formes volontairement inachevées avec absence de polissage afin de laisser voir la matière et les traces du travail (personnages sans tête ou sortant d’un bloc laissé brut...).
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    Flowers

    Robert Mapplethorpe & Patti Smith - Livre - Schirmer - 2014
    Après avoir débuté en photographiant au Polaroïd le New York remuant des années 70, Mapplethorpe n’a cessé d’évoluer, jusqu’à sa mort en 1989, vers la perfection technique mise au service de formes épurées. Converti à l’Hasselblad (la Rolls des appareils photo) et aux tirages platine (un procédé délicat et coûteux révélant toutes les nuances du noir et blanc, que pratiquait aussi Irving Penn), il finira même par s’échapper de ses clichés charbonneux de corps ambigus pour passer à la couleur et photographier... des fleurs. Une part méconnue de son œuvre, apaisée et superbe.
  • Sur Rodin

    Rainer Maria Rilke - Livre - André Versaille - 1906
    Le poète pragois (1875-1921), auteur des célèbres Lettres à un jeune poète entre 1903 et 1908, a approché Rodin après avoir épousé l’une de ses anciennes élèves, la sculptrice allemande Clara Westhoff. Emigré en France, il sera son secrétaire particulier. Les deux hommes se brouillent, mais Rilke maintient son admiration dans ce bref et superbe essai. C’est lui aussi qui fera découvrir à Rodin l’hôtel Biron, près des Invalides, à Paris. Depuis sa confiscation par l’Etat aux religieux qui l’avaient occupée jusqu’en 1905, la bâtisse était louée en appartements, notamment à des artistes, dont Rilke, Matisse, la danseuse Isadora Duncan ou le jeune Jean Cocteau. Le sculpteur y installera son atelier, avant de le proposer à l’Etat en totalité à condition que l’hôtel devienne le musée Rodin.
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    Camille Claudel
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    Just Kids

    Patti Smith - Livre - Folio - 2010
    Lorsqu’ils se rencontrent à l’été 1967, la future égérie punk et le pas encore photographe ne sont que des mômes (just kids). Ils ont 20 ans, vénèrent les poètes français et vivent d’expédients dans des squats ou au célèbre Chelsea Hotel, éternel refuge de la faune artistique new-yorkaise. En 1970, lorsque leur liaison prend fin, Patti Smith a tout juste commencé à se produire en public et Mappelthorpe vient d’acheter un Polaroïd. Leurs carrières démarrent, et ils ne se perdront jamais de vue. Patti Smith raconte, d’une belle plume remarquablement traduite, ces trois intenses années de formation, et trouve le ton juste pour dévoiler une intimité tumultueuse avec une grande pudeur.
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    Patti Smith
  • Les enfants terribles

    Jean Cocteau - Livre - 1909
    « Robert et moi étions comme Les enfants terribles de Cocteau », raconte Patti Smith. Comme Paul et Elisabeth, les personnages de l’écrivain français, Mapplethorpe et sa muse ont, en effet, imaginé leur monde et vécu leurs rêves en vase clos, artistes sans autre public que leur alter ego avant d’entamer les carrières que l’on connaît. Comme Les fleurs du Mal de Baudelaire, ce roman a joué un rôle capital dans leur initiation. Il renvoie aussi à l’époque où le jeune Jean Cocteau publiait ses premiers poèmes à compte d’auteur. Nous étions en 1909, il n’avait pas 20 ans et vivait à l’hôtel Biron, dont Rodin occupait le rez-de-chaussée...
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    Frédéric Dard
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    Chelsea Walls

    Bande originale du film - Audio - 2002
    Le film de Ethan Hawke, acteur et réalisateur, n’évite pas les clichés sur le Chelsea Hotel de New York, mais la bande originale de Jeff Tweedy, leader du groupe Wilco, est un sans-faute. Au lieu d’évoquer les musiciens qui hantèrent les lieux (Dylan, le Velvet, Patti Smith...), le héraut de “l’Americana” se promène entre classiques country (When the Roses bloom again en duo avec le Britannique Billy Bragg), reprises pop (Jealous Guy du New-Yorkais d’adoption, John Lennon, en compagnie de Jimmy Scott, chanteur de jazz à la voix d’enfant bien que né en 1925), et instrumentaux à la guitare électrique dignes du Ry Cooder de Paris, Texas. Au final, toute l’Amérique aura été convoquée entre les quatre murs du Chelsea Hotel.
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    Macadam Cowboy

    John Schlesinger - Video - 1969
    Une curiosité que cette épopée d’un cowboy texan, bâti comme un Apollon et cherchant à devenir gigolo à New York, classée X lorsqu’elle décrocha trois Oscars en 1970, dont celui du meilleur film. Ce n’est pourtant pas pour ses quelques scènes érotiques qu’il mérite d’être revu. Outre la performance de Dustin Hoffman dans le rôle du clochard Ratso, on repartira, avec délice, à la découverte du New York interlope de ces années-là, à des années-lumière de la ville aseptisée d’aujourd’hui. Pas étonnant que, selon Patti Smith, Mapplethorpe soit sorti d’une projection en criant au chef-d’œuvre.
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    Drug-stories
    Greenwich Village
  • Helmut Newton 1920-2004

    Catalogue de l’exposition du Grand Palais - Livre - RMN - 2012
    Le Grand Palais a la volonté d’accorder toute la place que mérite la photographie. Pas étonnant alors que, simultanément au musée Rodin, Robert Mapplethorpe soit exposé au Grand Palais (jusqu’au 13 juillet). Un investissement affirmé dès 2012 par la rétrospective consacrée à Helmut Newton, autre expert ès nus en noir et blanc, teintés de fétichisme. Venu de la mode, Newton a toujours réchauffé ses clichés sur papier glacé par la recherche d’une beauté animale, chez ses modèles inconnus comme chez les stars qui ont défilé devant son objectif : Liz Taylor, Ava Gardner, Catherine Deneuve, entre autres, et une armée de top models.
  • Carnet érotique Rodin

    Auguste Rodin, Norbert Wolf - Livre - Chêne - 2008
    Si l’érotisme est (très) directement présent dans l’œuvre de Mapplethorpe, dès ses premiers Polaroïds, il est beaucoup plus suggéré chez Rodin, époque oblige. D’où l’intérêt de ces dessins longtemps cachés dans “l’enfer” des collections, d’autant plus à l’aune de l’expo comparative entre les deux hommes, car le sculpteur ne se penche pas seulement sur le corps féminin. Les croquis du danseur et chorégraphe russe Nijinski (1889-1950), homosexuel, sont ainsi dignes des backrooms new-yorkaises. Certains qui les virent, à l’époque, en déduisirent que Rodin avait poussé sa recherche un poil plus loin...
  • Les fleurs du Mal

    Charles Baudelaire - Livre - Magnard - 1857
    Les premiers punks new-yorkais vénéraient les poètes français : le groupe Television comptait ainsi Tom “Verlaine” au chant et, à la basse, Richard “Hell”, en hommage à Rimbaud (Une saison en enfer). Mapplethorpe et Patti Smith préféraient Charles Baudelaire (1821-1867). Sur la photo qu’il signe pour Horses, le premier album de la chanteuse en 1975, elle est en veste noire et chemise blanche, son “costume de Baudelaire”... A un siècle de distance, leur passion les relie à Rodin, grand lecteur des Fleurs du Mal, et à l’une de ses œuvres majeures, La porte de l’enfer (1880), interprétée, à l’époque, comme une transposition de ce recueil qui fonde son esthétique sur la réalité la plus crue.
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    Conan le Barbare

    John Milius - Video - 1982
    Dès 1970, Robert Mapplethorpe creuse son grand sujet : le corps. Masculin, bien sûr : vivant enfin son homosexualité, il explore en images la plastique et les pratiques des hommes. Et aussi le corps tout court, notamment au travers de sa fascination pour le culturisme. En 1976, il réalise un portrait d’Arnold Schwarzenegger, qui domine alors la discipline et qui vient de tourner le documentaire Pumping Iron, inscrivant le bodybuilding dans la culture populaire américaine. En scrutant ce corps-là, magnifié quelques années plus tard dans cette solide adaptation du classique de l’heroïc fantasy, Mapplethorpe sort de l’intime pour observer son pays, et même les femmes, grâce à son travail avec Lisa Lyon, la première championne de culturisme, à qui il consacre une expo en 1983.
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    Fantasy
  • L’atelier d’Alberto Giacometti

    Jean Genet - Livre - L’arbalète/Gallimard - 1958
    De 1954 à 1958, Jean Genet (1910-1986) pose pour le célèbre sculpteur suisse (1901-1966). Sa réputation est alors faite (enfant de l’Assistance, fugueur et plusieurs fois incarcéré pour vol), son œuvre étant, pour l’essentiel, derrière lui (Notre-Dame-des-Fleurs, Les Bonnes, Journal du voleur, etc.). Mais dans le récit de ces séances, sous forme de journal ou de dialogue entre les deux hommes, Genet le scandaleux, chantre des bas-fonds et d’une violente virilité homosexuelle, se livre surtout à une réflexion sur l’art. Et en cherchant à percer celui qui le scrute, il écrit un splendide autoportrait : « Il semble que cet artiste ait su écarter ce qui gênait son regard pour découvrir ce qui restera de l’homme quand les faux-semblants seront enlevés ». On se prend à imaginer Mapplethorpe chez Rodin...
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    Alberto Giacometti
    Camille Claudel
  • Joseph Cornell et les surréalistes à New York

    Catalogue de l’exposition du Musée des Beaux-Arts de Lyon - Livre - Hazan - 2013
    Autodidacte remarqué par André Breton et sa bande surréaliste, le sculpteur new-yorkais Joseph Cornell (1903-1972), pionnier de l’assemblage d’objets trouvés sous forme de “boîtes”, eut une influence majeure sur les collages du jeune Mapplethorpe au cours de ses études au Pratt Institute, à New York. Rarement vu en France, le travail de Cornell, de 1930 à 1950, a été exposé à Lyon l’an dernier aux côtés d’œuvres de Salvador Dalí, Marcel Duchamp, Max Ernst et Man Ray, tous ayant vécu dans la mégapole américaine au cours de ces années-là.
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    Van Gogh, le suicidé de la société

    Antonin Artaud - Livre - L’imaginaire - Gallimard - 1947
    C’est l’autre “expo-télescopage” (entre les siècles et les disciplines) à voir jusqu’au 6 juillet au musée d’Orsay. La mise en regard des grandes toiles du maître néerlandais avec des textes d’Antonin Artaud (1896-1948) vole son titre à cet essai rédigé par l’écrivain français, après une visite à la rétrospective du musée de l’Orangerie, en 1947. Lui-même habitué des hôpitaux psychiatriques, l’auteur du Théâtre et son double sonde, d’un style rageur, les rapports entre la folie et le génie, hurlant sa haine à une société qui exclut les aliénés et ne reconnaît pas les visionnaires.
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    Pas fou, Van Gogh !

Polaroids Mapplethorpe
Sylvia Wolfe

Rodin, la chair, le marbre
Catalogue de l’exposition du musée Rodin

Flowers
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