« Tu es entrée, par hasard, dans une vie dont je n'étais pas fier, et de ce jour-là quelque chose a commencé de changer. J'ai mieux respiré, j'ai détesté moins de choses, j'ai admiré librement ce qui méritait de l'être. Avant toi, hors de toi, je n'adhérais à rien. Cette force, dont tu te moquais quelquefois, n'a jamais été qu'une force solitaire, une force de refus. Avec toi, j'ai accepté plus de choses. J'ai appris à vivre. C'est pour cela sans doute qu'il s'est toujours mêlé à mon amour une gratitude immense. » Pendant quinze ans, Albert Camus et Maria Casarès échangent des lettres où jaillit toute l'intensité de leur amour et qui témoignent d’un amour à vif, inconditionnel, de la souffrance de l’absence et des multiples réflexions qu’engendre l’amour dans l’esprit humain.

À Vienne, en 1900, quelques heures avant l'aube et sur le point d'affronter en duel un adversaire qu'il a d'ailleurs l'intention de fuir, Stefan Brand, ex-pianiste célèbre, homme à femmes, reçoit une longue missive d'une inconnue, Lisa Berndle. Démarre alors, en flashback, le récit émouvant et douloureux d'une passion d'une femme pour un homme à son insu, une passion si absolue qu'elle semble irréelle. Et pourtant… À l’origine du magnifique film de Max Ophüls, Lettre d'une inconnue est une nouvelle de Stefan Zweig publiée en 1922.

Les lunchbox sont les boîtes contenant les repas que les employés de Bombay reçoivent sur leur lieu de travail à l’heure du déjeuner. C’est une erreur dans la livraison d'une de ces lunchbox qui va être à l’origine de la correspondance entre Ila, une jeune femme délaissée par son mari, et Saajan, un homme veuf, solitaire et bourru, proche de la retraite. Comprenant qu'une erreur de livraison s'est produite, Ila glisse alors dans la lunchbox un petit mot, dans l'espoir de percer le mystère. Et Saajan d’y répondre…

« La vie est tellement incandescente. Ici comme là-bas. Vieux frère, je te lance un grand pont. » Ces propos de Thierry Vernet à Nicolas Bouvier du 17 août 1955 traduisent l'intensité d'une relation faite de passion et de fraternité. Depuis l'âge du collège, Nicolas Bouvier (1929-1998) et Thierry Vernet (1927-1993) ont rêvé ensemble de voyages et de création. L'un devient écrivain, l'autre peintre : en mots et en images, ils diront ce que l'on ne peut connaître qu'une fois. De Cologny à Paris, de Kaboul à Colombo, de Tokyo à Genève, leur correspondance est un fil tendu entre deux vies mises en commun. Nourrie de l'expérience de la route, elle exprime aussi la beauté d'une aventure humaine, celle d'une amitié sans réserve.

« Ma chérie, Ceci n'est pas censé être un journal, et il se peut même que ça ne te parvienne jamais, mais j'aime à penser à toi en train de le lire, page après page, un jour dans les années à venir, après que je serai partie. » Le 8 mai 1941, Jean McCormick déclare sur un plateau de télévision être la fille de Calamity Jane, et détenir les lettres que sa mère lui a écrites durant vingt-cinq ans. Le monde entier découvre alors une autre Calamity Jane, une femme rongée par le remords d'avoir abandonné son enfant qu'elle ne pouvait élever. Cette femme, figure emblématique du Far West, voulait que sa fille connaisse une vie stable et profite d'une éducation solide.

Une si longue lettre, est une œuvre majeure pour ce qu'elle dit de la condition des femmes. Ce roman est composé d’une seule lettre, celle que Ramatoulaye adresse à sa meilleure amie, pendant la réclusion traditionnelle qui suit son veuvage. Elle y évoque leurs souvenirs d'étudiantes impatientes de changer le monde, et cet espoir suscité par les Indépendances. Mais elle rappelle aussi les mariages forcés, l'absence de droits des femmes. Et tandis que sa belle-famille vient prestement reprendre les affaires du défunt, Ramatoulaye évoque alors avec douleur le jour où son mari prit une seconde épouse, plus jeune, ruinant vingt-cinq années de vie commune et d'amour. Mariama Bâ (1929-1981) est la première romancière africaine à décrire avec une telle justesse la place faite aux femmes dans sa société. A écouter en podcast sur France Culture.

« Je reste persuadé que la vie est ce qu'on en fait, et qu'il n'est pas d'âge qui soit particulièrement malheureux - si ce n'est celui où l'on abandonne la partie - et on peut l'abandonner à tout âge. Je trouverai la vie laide le jour où je me mettrai assis et ne voudrai plus me relever. Pour le moment - pour moi -, vingt ans, c'est l'âge d'une grande décision ; c'est l'âge où je risque ma vie, mon avenir, mon âme, tout, dans l'espoir d'obtenir plus ; c'est l'âge où je travaille sans filet. C'est terrible, bien sûr... mais n'est-ce pas cela, vivre ? Il me semble que je ne pourrai pas dire, plus tard, d'un air désabusé : "Ah ! Si j'avais vingt ans !" ; je ne crois pas non plus que je pourrais gémir en disant : "vingt ans : une bien triste période..." Je ne souhaite qu'une chose : c'est d'être capable toute ma vie de prendre des risques et ne jamais vouloir m'arrêter en chemin. N'est-ce pas cela, "avoir toujours vingt ans ? » Bernard-Marie Koltès (1948-1989)

Personnage un peu oublié des lettres françaises, Antonin Artaud (1896-1948), - inventeur du concept de théâtre de la cruauté, acteur, écrivain, essayiste, dessinateur, poète, n’en reste pas moins une figure majeure du XXe siècle qui, du surréalisme au situationnisme de la fin des années soixante, de Patti Smith à Hubert Félix Thiéfaine, aura laissé une marque indélébile. Souffrant de problèmes de santé qu’on attribue à une méningite, Artaud subira des séances d’électrothérapie dès l’âge de quatre ans. Après une vie marquée par la souffrance et les drogues, il passera les neuf dernières années de sa vie dans des asiles psychiatriques. C’est dans celui de Rodez, où il passera trois ans, qu’il se met à travailler quotidiennement sur de petits cahiers d’écoliers où il écrit et dessine. Ce sont les Cahiers de Rodez, mêlant écriture et dessins. En quinze mois, Artaud en réalise une centaine. De 1943 jusqu'à sa sortie, en 1946, Artaud écrira également à son médecin, qu'il voit cependant chaque matin, près de cinquante lettres. Au-delà de la légende du poète maudit, se dessine le corps-œuvre d'Artaud, cette « matérialisation corporelle et réelle d'un être intégral de poésie ».

Il s’agit d’un roman épistolaire dont voici la base : fin 2008, Amélie Nothomb reçoit une étrange lettre d’un soldat américain basé en Irak, lui demandant de l’aide. Intriguée, elle répond et entame une correspondance pour le moins fantaisiste. On entre très vite dans cette histoire car Amélie Nothomb maîtrise le suspens et stimule notre curiosité, autant que cette lettre de Melvin Mapple a su stimuler la sienne. 

Il y a des lettres qui, en revenant sur des obsessions ou en révélant des admirations, éclairent une œuvre. Lettres du mauvais temps est un recueil rassemblant plus de 200 lettres de Jean-Patrick Manchette (considéré comme celui qui, au tournant des années 70, a soufflé un vent de modernité sur roman noir français), couvrant la période où il a commencé à archiver méthodiquement sa correspondance jusqu'à sa mort. Parmi les destinataires figurent des lecteurs et des auteurs tels Pierre Siniac, Jena Echenoz, Robin Cook ou encore Donald Westlake et James Ellroy.              

Martin et Max sont tous deux allemands. L'un est juif, l'autre pas, et leur amitié semble inoxydable. Ils s'expatrient aux États-Unis pour fonder ensemble une galerie d'art en Californie, mais, en 1932, Martin décide de rentrer en Allemagne. Au fil de leurs échanges épistolaires, Max devient alors le témoin impuissant d'une contamination morale sournoise et terrifiante : Martin semble peu à peu gagné par l'idéologie du III Reich. Le sentiment de trahison est immense et la tragédie ne fait que commencer… Cette correspondance imaginaire entre deux hommes, mais imaginée par une femme, est jouée en ce moment au théâtre avec Jean-Pierre Darroussin et Stéphane Guillon.

Dans une petite ville de province, dans les années trente, une série de lettres anonymes signées « le corbeau » dénonce des notables à la vindicte publique. Très vite, tout le monde se soupçonne et craint de devenir la prochaine victime du corbeau. Tourné pendant l’occupation, le film fait clairement référence à cette période pendant laquelle la délation anonyme était devenue une activité tristement répandue. À la libération, jugé par la Résistance et la presse communiste de l'époque comme une tentative pour dénigrer le peuple français, le film est interdit et Clouzot banni à vie du métier de réalisateur. Deux ans après, en 1947, Clouzot sera réhabilité, et Le Corbeau s’envolera pour devenir un classique.