Le poète Ovide a rassemblé dans les Métamorphoses deux cent trente et une histoires fabuleuses issues de la tradition orale. Elles racontent toutes des transformations extraordinaires : comment Adonis se transforme en anémone, l'habile Arachné en araignée. Actéon, le chasseur, est changé en cerf, Atalante en lionne… « La malheureuse Callisto a beau supplier la déesse, voici que ses bras se couvrent de poils, ses mains s'allongent, munies de griffes recourbées, sa bouche est une gueule d'où sortent des grondements terrifiants. Elle n'avance plus qu'à quatre pattes ». Chez Ovide, c'est une histoire du monde qui nous est offerte, mais revêtue d'une dimension mythique et constamment ouverte à ces métamorphoses que dicte la volonté des dieux.

“Je n’envisage jamais la scénarisation des œuvres littéraires comme une illustration. Je travaille plutôt comme les metteurs en scène de théâtre en offrant, plus qu’une adaptation, une lecture de l'œuvre. Le personnage principal que j’ai retenu, Europe, est lui-même au stade de la métamorphose. L’adolescence est, dans notre vie, la période de la métamorphose : transformation physique, bien sûr, qui montre qu’on porte en soi un autre soi ; mais aussi en termes d’affranchissement. L’adolescence est ce moment où, parce qu’on a croisé quelqu’un, ou une œuvre d’art, ou un ami, on se dit soudain qu’on va devenir autre ; on sent la possibilité de se dépasser. C’est ce que je lis dans Les Métamorphoses d’Ovide : la possibilité d’atteindre un autre état, une nouvelle étape de son développement. C’est pourquoi j’ai choisi Europe comme fil conducteur, bien que ce ne soit pas, dans le film comme dans le livre, un personnage central.” Christophe Honoré

« Ce sont eux qui sont beaux. J'ai eu tort ! Oh ! comme je voudrais être comme eux. Je n'ai pas de corne, hélas ! Que c'est laid, un front plat. Il m'en faudrait une ou deux, pour rehausser mes traits tombants. Ça viendra peut-être, et je n'aurai plus honte, je pourrai aller tous les retrouver (...) Comme je voudrais avoir une peau dure et cette magnifique couleur d'un vert sombre, une nudité décente, sans poils, comme la leur !» La pièce de Ionesco dépeint une épidémie imaginaire de « rhinocérite », maladie qui effraie tous les habitants d'une ville et les métamorphose bientôt en rhinocéros. Métaphore tragique et comique de la montée des totalitarismes à l'aube de la Seconde Guerre mondiale, elle montre les dangers du conformisme qui, en laissant disparaître la pensée individuelle, favorise la mise en place de régimes totalitaires.

“Un matin, au sortir d’un rêve agité, Grégoire Samsa s’éveilla transformé dans son lit en une véritable vermine. Il était couché sur le dos, un dos dur comme une cuirasse, et, en levant un peu la tête, il s’aperçut qu’il avait un ventre brun en forme de voûte divisé par des nervures arquées.” La métamorphose de Franz Kafka raconte une transformation dépouillée de tout merveilleux. Certainement une des plus puissantes évocations révélant la précarité de la condition humaine. 

Deuxième adaptation d’une nouvelle de George Langelaan publiée en 1957, le film de David Cronenberg met en scène un savant (Jeff Goldblum) qui travaille sur la téléportation et qui, lors d’un essai sur lui-même, ne s'aperçoit pas qu’une mouche s’est glissée dans son télépod. L'étude du corps humain sous un aspect monstrueux ou l'étude du rapport de l’humain avec la technologie sont au cœur du cinéma de Cronenberg d’abord tenté par des études scientifiques avant de bifurquer vers le cinéma. Et chez lui, pas de bonne fée pour embrasser le crapaud pour lui rendre sa forme humaine. 

“Femme-fauve, morse difforme, poulpe en devenir… Tel est le spectaculaire Règne animal dans lequel nous plonge le cinéaste Thomas Cailley, au sein d’une société qui ne sait que faire de ce surgissement, face à un nouveau peuple instable, effrayant et poignant. Mutant, comme le film lui-même, prouesse à la croisée des genres, de l’anticipation la plus sombre (avec un brin d’épouvante) au conte lumineux, du réalisme abrupt à la pure poésie. Avec, en son centre, un cœur sensible, heurté et fébrile : l’histoire d’amour inconditionnelle qui unit un père, François, à Émile, son fils adolescent.” Télérama

Leonard Zelig est un homme-caméléon : en présence de gros, il devient gros ; à côté d'un noir, son teint se fonce, parmi les médecins, il soutient avoir travaillé à Vienne avec Freud, etc. Dans ce film on retrouve des thèmes chers à Woody Allen comme les rapports à sa judaïté ou la psychanalyse. Du point de vue psychologiste, Zelig aborde un sujet cher à Freud et ses émules : l'identification avec des personnages référentiels par la nécessité d'être aimé ou par la peur d'être rejeté. Zelig ou l'identité de celui dont l'identité est de ne pas en avoir est aussi une identité. Et en plus c’est drôle.

Dans la série des Animaux fantastiques comme dans Harry Potter, les métamorphoses sont au cœur des intrigues, pour sauver sa peau ou pour intriguer, qu’on soit du côté des gentils ou des moins gentils. Et c’est un des éléments du suspens ; quand tout le monde bénéficie des mêmes pouvoirs, qu’elle est la clé de la victoire ?  Les Animaux fantastiques inaugurait une série de trois films scénarisés par J.K. Rowling dont l’histoire s’inscrit une soixantaine d’années avant le début des aventures du magicien aux lunettes rondes, et dont le premier épisode se déroule à New-York en 1926.

"Les hommes savent bien que le jardin d'Éden ne rouvrira pas ses portes mais ils en ont toujours cherché le reflet, la fuyante annonciation. Ils ont consacré beaucoup de nuits blanches à se confectionner leurs propres Champs-Élysées et se sont fait une collection d'eldorados : cités idéales, châteaux de la liberté, îles sans péché et sans chagrin, communautés d'amour et de chair fraîche, jardins de fleurs et d'oiseaux, phalanstères et «fais ce que voudras». Si les êtres plus ou moins humains - ou trop humains ? - peuvent se transformer ou être transformés, il existe aussi des territoires tout aussi imaginaires où la paix et la beauté sont reines. 

Un prince propriétaire du somptueux château a toute l’apparence d'un grand seigneur mais son visage et ses mains sont ceux d'un fauve. La transformation initiale du Prince en Bête est dûe au fait que ses parents ne croyaient pas aux fées, lesquelles ont puni les parents en transformant leur fils. Mais « L’amour peut faire qu’un homme devienne bête, mais l’amour peut faire aussi qu’un homme laid devienne beau. » Et Belle découvre l'homme derrière la Bête, devine l'âme pure qui se cache derrière sa laideur et la sincérité de son amour fait que Belle en vient à l'aimer... La beauté des laids chantait Gainsbourg.

Pour contrer la profusion des bootlegs qui, aux yeux du groupe et de leur manager Allen Klein, commençaient à encombrer le marché, les deux s’accordèrent pour publier pour la première fois un album composé, non pas de nouveaux morceaux, mais de titres signés principalement Jagger/Richards (mais aussi un magnifique "Downtown Suzie," signé de Bill Wyman) qu’ils enregistrèrent souvent avec la complicité de copains (Jimmy Page, Anthony Hopkins…) et qu’ils écartèrent au moment de boucler Beggars Banquet et Let It Bleed. On a les restes qu’on peut…

Aucun autre artiste de la scène rock n’a autant changé de style que Bowie, chaque nouveau courant musical qu’il explorait étant également l’occasion pour lui d’incarner un nouveau personnage. Parce qu'il sentait le vent tourner mieux que personne, David Bowie décida de quitter le glam et l'Angleterre dès le milieu des années 70. Parti en Amérique, il réalisa quasiment seul cet album d'une étonnante richesse qui fait se côtoyer des titres rock ("Rebel Rebel"), des balbutiements funk ("1984"), et des ballades ("Rock'n'Roll With Me"). Et comme pour bien faire comprendre au public qu’il changeait une nouvelle fois de peau, il confia la réalisation de sa pochette au peintre belge Guy Peellaert qui représente Bowie comme une créature mi-homme, mi-chien. Illustration qui suscita la controverse.