L’idée de la série originelle BeTipul (créée par Hagai Levi en 2005) est d’une simplicité biblique : un psychanalyste reçoit des patients dans son cabinet. Les épisodes durent le temps d’une séance, moins de trente minutes, chaque jour on suit un patient différent, le dernier jour de la semaine c’est l’analyste qu’on suit à son tour chez son psychanalyste. A travers ce dispositif filmé sans fioritures inutiles, la plupart du temps en champ contre champ, Olivier Nakache et Éric Toledano, les show runners d’En Thérapie, livrent un portrait cubiste de la société française au lendemain des attentats du Bataclan. Époustouflant.

D’une manière générale les neurologues ne m’intéressent pas beaucoup, les gens qui essaient d’expliquer notre fonctionnement uniquement à travers la neurologie me mettent mal à l’aise. Comme si la culture n’avait pas sa place. Dans Le Nouvel Inconscient, pour une fois, c’est un neurologue qui fait le pont entre les neurosciences et la psychanalyse. Lionel Naccache part de l’hypothèse que, peut-être, il y a un endroit dans le cerveau où se trouve l’inconscient. Lionel Naccache s’appuie sur un grand nombre d’expériences et finit par dire que, si Freud n’a pas inventé l’inconscient, en revanche il a compris que c’est bien le conscient qui fabrique toutes les histoires. Quand on vit un traumatisme, on remplit le trou par une histoire qu’on se raconte pour supporter la situation et à laquelle on finit par croire. C’est une manière de voir bien entendu. C’est un livre assez pédagogique écrit avec une plume assez légère.

Je reviens souvent à Hitchcock, mais Vertigo c’est le film sur lequel je reviens tout le temps. Le lien avec la psychanalyse n’est pas innocent. Les gens pensent généralement qu’Hitchcock cultive le mystère dans ses films, mais on confond mystère et suspens. En fait, Hitchcock est un immense manipulateur. Comme un magicien. Et surtout il a cette grande faculté de ne pas se foutre de la gueule du spectateur. Dans ses films le spectateur en sait plus que les personnages. Il a les clés. Ce qui lui permet d’être en empathie avec lui. Hitchcock fait participer au maximum le spectateur à ce qui se passe devant lui. Avec Vincent Poymiro on a cette même éthique.

Bien que les théâtres, musées, cinémas soient fermés, je tenais à mettre un spectacle dans cette sélection. Le spectacle vivant c’est ce qui me nourrit. D’ailleurs, depuis que tout est fermé, je déprime. Yann Frisch est un clown magicien. Au départ c’est même un magicien. Il a remporté le titre de champion du monde des magiciens en 2012. Son spectacle Le syndrome de Cassandre - que j’ai vu quatre fois - est en rapport direct avec le complexe d’Œdipe. Yann Frisch est seul en scène, mais dans un coffre il y a le corps de sa mère ! C’est un spectacle pour les adultes, à la fois extrêmement drôle, tragique et… qui finit mal ! Yann Frisch est un génie. Même mon fils que j’ai trainé à son spectacle a été subjugué.

1933. Max, le fils bâtard de la pute Minna Schulz, s'enrôle dans les SS à l'arrivée d'Hitler au pouvoir. Affecté dans un camp d'extermination où disparaissent son meilleur ami (juif) et toute sa famille, il endosse après la guerre l'identité de son ami assassiné. Max, devenu Itzig Finkelstein, épouse la cause juive et traverse l'Europe pour rejoindre la Palestine, où il devient barbier et sioniste fanatique. "Ce que j’adore dans cette littérature, et chez des auteurs comme Edgar Hilsenrath, c’est leur humour extrêmement caustique et virulent." D.E.

J’adore cette émission de radio qui permet à des gens de parler de toutes sortes de sujets. Simplement. La dernière émission que j’ai écoutée, c’est l’histoire d’un couple, sur quinze ans, du mariage à la séparation. C’est juste incroyable. Cette émission est un réservoir de personnages et d'idées. C’est une émission incroyable.

Je ne sais pas comment je suis arrivé là, mais c’était il y a très longtemps. Philippe de Jonckheere est photographe, mais pas seulement. Il est ami avec François Bon avec lequel il a - entre autres - fait des lectures de textes sur scène en mélangeant vidéo et musique. Il faut vraiment aller sur son site pour découvrir l’étendu des champs d’expression qu’il a investis. C’est le site d’un obsessionnel qui écrit tout le temps, qui prend des photos tout le temps, des quantités incroyables de photos dont les objets sont toujours les mêmes… Comme son nom l’indique, le site est en désordre. On peut donc tomber sur son journal – qu’il a arrêté – dans lequel il raconte d’une plume incroyable (deux romans ont été publiés, ndlr) sa famille, son fils autiste, ses engagements… Il m’est arrivé un nombre incalculable de fois de pleurer en le lisant. Il faut plonger dans son site et accepter de rebondir pendant des heures car dans ce désordre il y a une pensée limpide.

Jiri Weil est un auteur Tchèque qui a vécu la shoah dans le ghetto de Prague, et dont j’aime énormément deux des romans : Vivre avec une étoile et Mendelsshon est sur le toit (1960). Vivre avec une étoile, c’est l’histoire d’un homme qui s’aperçoit que les nazis, qui appellent tous les lundis une liste de juifs enfermés dans le ghetto pour les envoyés dans les camps d’extermination, les nazis donc, l’ont oublié. Le personnage principal revient tous les lundis, voit les gens partir, sa famille, ses proches, et lui, son nom ne sort jamais. L’étoile du titre en question est en fait sa fiancée qui est partie aux États-Unis dès le début de la guerre en le suppliant de venir avec elle, mais lui a refusé pensant que tout allait s’arranger… Ce que j’adore dans cette littérature, et chez des auteurs comme Edgar Hilsenrath, c’est leur humour extrêmement caustique et virulent.

J’ai découvert Johnny Flynn, d’abord comme acteur dans une série anglaise qui s’appelle Lovesick. C’est l’histoire d’un jeune type auquel on annonce qu’il a une maladie vénérienne et qu’il doit prévenir toutes ses ex. C’est drôle et très touchant comme savent très bien le faire les britanniques. Et c’est très bien joué, notamment par Johnny Flynn dans le rôle du jeune homme. Plus tard j’ai découvert, sur Arte, la série anglaise The Detectorist, (créée et réalisée par Mackenzie Crook), une série très drôle, vraiment formidable, autour de deux chasseurs de trésors qui arpentent la campagne avec des détecteurs de métaux. Un épisode, deux épisodes, trois épisodes… et je découvre que la musique du générique est composée, jouée et chantée par Johnny Flynn ! Ce type sait tout faire avec talent : jouer Shakespeare, faire le jeune premier dans une série, et faire de la musique !

Je suis un grand joueur de jeux de plateau. J’en ai un mur entier. J’en achète encore et encore, des neufs ou d’occasion. J’organise même des soirées avec des copains que j’appelle les soirées tripot ! Au lycée je n’étais pas très bon en langue, j’ai pris la filière scientifique jusqu’au Bac. Donc la mécanique des jeux m’intéresse. Ce que j’aime particulièrement c’est quand il y a une infime part de hasard. C’est comme dans la vie. On peut décider de plein de choses puis le hasard vient perturber tout ça. Un jeu c’est un scénario. Un bon jeu c’est une histoire. Bruno Cattala est un des grands créateurs de jeux en France (plus de quatre-vingt à son actif ndlr) et Mr. Jack est un de ses très grands succès. C’est une mécanique très simple mais extrêmement riche. Une partie dure une quinzaine de minutes. Au contraire de beaucoup de parents qui traînent les pieds pour jouer avec leurs enfants, moi c’est le contraire, c’est moi qui traînais mon fils pour jouer. Maintenant il me bat régulièrement et c’est moi qui suis devenu mauvais joueur !

C’est une série horreur que j’aime beaucoup parce qu’il y a plusieurs niveaux de narration, différents niveaux de temporalité remarquablement ficelés. C’est une des forces des séries américaines de faire confiance au spectateur. En fait, c’est une série sur la famille, et plus particulièrement les secrets de famille qui finissent toujours par remonter, et rarement pour le meilleur ! Il y un petit côté thérapie familiale dans The Haunting. La deuxième saison The Haunting of Bly Manor est tirée du romand’Henry James Le Tour d’écrou (1898).

Carlos Giménez est un dessinateur espagnol que j’ai découvert dans Fluide Glacial. Dans Paracuellos Giménez raconte son enfance dans un orphelinat sous Franco. C’est à la fois très noir et très drôle. Dans chacune des histoires, qui ne dépassent jamais trois pages, invariablement les gamins se font taper dessus, invariablement on jette leurs BD à la poubelle, etc. Mais derrière cette noirceur servie le dessin en noir et blanc, il y a des histoires très touchantes. Il faudrait que les Espagnols s’emparent de ces histoires pour en faire une série parce que ça raconte l’histoire de l’Espagne de cette époque. Ça raconte aussi comment dans un univers concentrationnaire, même les faibles peuvent devenir les bourreaux des encore plus faibles. C’est formidable.