Les textes des chansons de « Icare » témoignent pudiquement de l’effondrement des repères de notre époque. Emily Loizeau considère, avec ce disque, qu’il est compliqué aujourd’hui de chanter la frivolité. C’est pourquoi, elle a choisi d’adopter un discours plus intense et plus grave tout en laissant poindre une lueur d’espoir : « Il serait insupportable, dit-elle, de vivre au quotidien avec la certitude qu’il n’existe pas de solutions. On ne va pas se laisser faire. Il existe heureusement des propositions positives, même si la noirceur prend de la place ». FIP

Rodrigo Amarante est brésilien mais chante sa chanson « Mon nom » en français, une chanson qui nous rappelle qu’à un moment donné nous sommes tous des étrangers. A travers ce choix je veux également rendre hommage aux Brésiliens qui vivent des temps difficiles, et à la forêt amazonienne qui contient tout ce qui est précieux pour nous tous.

Bob Dylan a été la source inépuisable pour l’écriture de mon album, et la reprise que je fais de « Girl of the North Country » est la première chanson que j’ai écrite. Je n’avais pourtant pas prévu de laisser une adaptation de Bob Dylan en français sur ce disque. En revanche, j’avais prévu de faire un disque qui essaierait de traduire mon regard sur le monde et sur les émotions qui me traversent en parlant de la manière dont les choses me chamboulent et me déplacent, m’attristent ou me mettent en joie, particulièrement en ce moment où on est tous éloignés les uns des autres. Je voulais regarder à l’extérieur mais de mon intérieur à moi. Et pour moi, celui qui a réussi à faire ça tout en restant subversif et magnifiquement poétique c’est Dylan. Il a eu les mots d’une rare incandescence pour évoquer ce qu’il le frappait à l’époque, des mots que les gens avaient besoin d’entendre. J’ai donc eu envie de rentrer dans le moteur de ce langage, de cette poétique qui me bouleverse tant, pour essayer de comprendre comment elle fonctionne et comment on pourrait la faire fonctionner en français. Je me suis donc essayée à traduire ses chansons comme on fait des gammes, et il y en a une qui est restée. C’est à la fois une traduction et une adaptation, c’est à dire que j’ai inversé la géographie et j’ai fait de cette chanson d’amour une chanson d’engagement sur l’exil puisque je parle d’une jeune fille qui a fui son pays pour fuir un mariage forcé. J’ai essayé de raconter cette histoire en respectant les images, chaque métaphore de Dylan, mais en changeant la géographie, le nord pour le sud, la froideur pour la chaleur… j’ai essayé comme ça de tisser des ponts. J’ai choisi son dernier album parce que continuer à faire des disques aussi puissants à quatre-vingt ans est stupéfiant. J’aime tout particulièrement le premier morceau “I Countain Multitudes” qui dit à quel point c’est un homme plein de contradictions et qu’on ne pourra jamais le mettre dans une case.

Ce film est un ovni. On pourrait croire que c’est un petit carnet de bord personnel, mais c’est avant tout un film universel qui dit ce que c’est que de donner la vie. Camille l’a construit comme une page d’écriture sur la grossesse de son deuxième enfant. C’est un film qui dit des choses si importantes et profondes sur ce moment pendant lequel, quand on le peut, on prend soin. On prend soin de l’arrivée d’un être parce qu’il est fragile, que c’est notre enfant, mais on se doit aussi d’en prendre soin parce que c’est la génération qui va devoir faire avec le monde qu’on lui laisse. C’est un film d’une grande finesse. Et puis, pour la petite histoire, dans son film Camille parle de notre petite histoire de maternité, nos enfants sont nés au même moment, ils ont même échangé leurs dates de naissance. Notre lien s’en est resserré, cette histoire nous a même musicalement mariées…

C’est Aude Léa Rapin avec qui je travaille sur la mise en image de mon album qui m’a parlé de ce livre. Dans la forêt parle du cataclysme qui se présente à nous, qu’on voit arriver, et en même temps de cet absolu espoir qu’il faut garder et de la force de la nature dont il faut apprendre à se servir pour être résilient. Cette nature qui est bien plus forte que nous et qui nous abrite, avec laquelle il va falloir compter pour atténuer les dégâts qu’on a commis. C’est l’histoire de deux jeunes filles qui vivent au cœur de la forêt avec leur famille, une famille très implantée dans la nature. Ces deux petites filles vont perdre leur maman et vont assister à l’effondrement de la civilisation, mais de manière assez lointaine puisqu’elles vivent en marge d’une petite ville. D’un seul coup plus de téléphone ni électricité. Leur père disparaît à son tour, et ces deux petites filles se retrouvent donc seules dans cette forêt qui devient leur allié, à laquelle elles apprennent à faire confiance. La force de ce roman est qu’il est effrayant mais c’est aussi une projection vers quelque chose qui se trouve au-delà de l’effondrement. C’est un saut de l’ange merveilleux et magnifique d’épouser quelque chose de neuf. A la fin de ce livre on se dit que tout est possible. 

Cette exposition avait pour point de départ le travail de Bernie Krause, acousticien et compositeur de musique contemporaine, qui est parti dans différentes régions du monde pour poser ses micros et enregistrer la disparition progressive des sons émis par les animaux, du silence progressif produit par leur disparition et qui s’empare de ses micros. Une manière splendide de raconter ce silence angoissant qui s’impose. C’est la lecture de ce livre passionnant et magnifique m’a donné l’idée de la chanson “Silent”

J’ai tellement d’admiration pour Cyril Dion, pour son engagement sans faille pour la nature, pour la manière dont il est tenace, courageux ! Animal est un film très important qui nous fait comprendre que notre espèce n’en est qu’une parmi les autres et que pour se sauver il faut aussi sauver les autres. Que tout ça est un tout. Je n’ai pas encore vu le film qui n’est pas encore sorti en salle mais je sais qu’il sera important, à la fois grave et lumineux. 

C’est un livre que j’ai lu au début de l’écriture de mon album et que je garde près de moi. Un livre qui raconte plusieurs parcours d’exil. Il y a, entre autres, l’histoire de ces deux jeunes frères soudanais qui veulent quitter leur pays pour l'eldorado européen, ou celle de cette jeune femme et de son bébé qui se retrouvent pris au piège de passeurs mal intentionnés à bord d’un canot traversant la méditerranée. Il y a aussi le  commandant Salvatore qui navigue au large de l’Italie pour arrêter les embarcations qui transportent les émigrés clandestins. Avec ces histoires, Laurent Gaudé met en scène une sorte de chœur infiniment juste qui permet de rentrer dans la peau de chaque personnage et de chaque destin. C’est sublime, bouleversant et malheureusement toujours tellement actuel. C’est une question sur laquelle je suis engagée depuis longtemps auprès notamment de SOS Méditerranée. J’ai aussi fait la musique d’un film qui s’appelle Les Enfants de la jungle, sur les enfants isolés. C’est une question sur laquelle il faut continuer de se battre. C’est un livre que chacun devrait lire.

Catherine Meurisse a écrit cette bande dessinée suite à l’attentat de Charlie Hebdo dont elle est une des miraculées puisqu’elle est arrivée en retard à la conférence de presse, donc après le massacre. Elle a écrit ce livre pour essayer de sortir de la torpeur et de son incapacité à continuer de dessiner après l’attentat. Elle est partie à Rome en espérant y rencontrer tant de beauté qu’elle en serait submergée, que cette beauté lui permettrait de se relever. C’est un livre à la fois bouleversant, très drôle et très intime. Je l’ai découvert à un moment où je voulais écrire une chanson sur ces moments de bascule. Pour moi, ce moment c’est l’attentat du Bataclan, et je voulais écrire une chanson sans être impudique, juste pour parler de cette perte de légèreté. Je voulais des mots lumineux, m’atteler à un regard sur le monde, un regard intime, personnel qui traverserait mes émotions, mais je voulais qu’il y ait de la beauté. Ce que dit Catherine Meurisse c’est qu’il faut se nourrir de ce qui est beau pour retrouver la force de se lever. J’espère qu’on finira par bientôt tous s’évanouir d’un trop plein de beauté comme Stendhal le voulait. 

J’ai eu la chance de voir le spectacle qui a été la source d’énergie, de soulèvement, le catalyseur de toutes les forces d’écriture autour de mon disque qui a failli s’appeler Danser sur un volcan, une expression que Clément Cogitore utilisait dans une interview pour parler de la situation actuelle. Tout dans ce spectacle est splendide : les musiciens, les chanteurs, la direction de l’orchestre… pour moi qui viens du classique et qui ai vu énormément de concerts et d’opéras depuis toute petite, ça a été une énorme émotion de voir des danseurs de hip hop et de krump sur la scène de l’Opéra Bastille. La chorégraphie de Bintou Dembele est d’une rage poétique bouleversante. Toute la lecture de cet opéra à travers le biais de notre actualité climatique, migratoire, sociale… c’est d’une pertinence, d’une intelligence et d’une force incroyable. Quand un artiste arrive à créer un objet qui, à la fin, vous donne envie de vous soulever, de renverser les tables, il a servi à quelque chose. Il y avait une euphorie incroyable dans la salle à la fin du spectacle. J’ai ressenti ça comme un immense cadeau.

Le titre de ce tableau a donné son titre à une chanson, puis à l’album. C’est un tableau que j’ai découvert il y a une douzaine d’années à Bruxelles. Quand on est face à ce tableau sublime, d’une grande beauté tranquille avec un paysan au premier plan qui laboure son champ, un autre qui regarde le ciel, un beau ciel bleu, un paysage très italien, ensoleillé, on cherche désespérément Icare et on ne le trouve pas. Et puis on aperçoit, en bas à droite, une paire de jambes qui sort de l’eau et on comprend que c’est Icare qui se noie et que personne ne regarde. C’est une belle manière de parler de nous, de l’humanité. On est comme lui, on est un détail dans le coin du tableau face à l’immensité, à ce qui nous dépasse, face aussi à ce qu’on abîme, qu’on rend inhabitable, mais on refuse de regarder à cet endroit où on est entrain de se noyer nous-même. Le souvenir de ce tableau m’est revenu au moment où j’avais cette musique assez baroque en tête. Beaucoup de choses très inspirantes ont été dites sur ce tableau, notamment par Elie Faure.

J’ai vu ce film récemment et j’ai tellement rit, ce film m’a fait tellement de bien. L’humour absurde, noir mais lumineux de Quentin Dupieux m’a remplie de joie. Ça a été mon remède à la tristesse de ces derniers mois.