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En PhysiqueEssentielles librairies
Christian Thorel - Livre - Tracts - Gallimard - 2021« La plupart des jeunes libraires que nous sommes alors ont peu d’expérience et encore moins de formation initiale, tant elles sont rares à l’époque. C’est souvent une vocation politique, l’idée de recevoir et de partager, l’addiction à la lecture et la pression amicale des livres qui ont déterminé le choix de la librairie. C’est avec le même élan que nous suivons dans ces officines celles et ceux qui nous y ont précédés, y mettant résolument la tête puis le corps, avec autant de motivations partagées. » Christian Thorel
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La Gana
Fred Deux / Jean Douassot - Livre - Le temps qu'il fait - Corps Neuf - 1958J’ai découvert La Gana de Jean Douassot en arrivant à Ombres Blanches en janvier 1978. Ce livre m’a immédiatement intrigué. L’illustration de la couverture était une gravure de Fred Deux, dont j’ai compris qu’il était le vrai nom de Jean Douassot. Je me souviens que j’avais pris ce livre de plus de 600 pages et que nous étions partis chez des amis et… que je ne les ai pas vus de tout le week-end. J’ai littéralement avalé les six cents pages de ce livre en deux, trois jours, complètement capturé par cette cascade de mots, où les sentiments les plus forts se mêlaient aux odeurs et aux humeurs, sang, sperme, merde, déjections de toutes sortes, aux maladies, à la tuberculose, à la misère, à l’alcoolisme. Dans La Gana, Jean Douassot raconte son enfance dans un sous-sol humide qu’il habite avec sa famille dans des conditions de précarité inimaginables. On est dans la deuxième moitié des années trente, dans un probable avant-guerre. Tout se passe dans le pire quotidien, un gris profond mais avec une lumière permanente. Il y a la figure du gosse, de son oncle, des parents, de la voisine personnage totalement fellinien, qui le déniaise à douze ans, on ne sort pas de ce monde clos, empêché mais bien vivant. Ce qui est fort c’est l’énergie stylistique de Fred Deux/Jean Douassot. On le sait par ailleurs, Fred Deux est un des plus grands artistes du dernier demi-siècle. Quand il écrit La Gana à la fin des années cinquante, ses dessins et gravures sont déjà exposés, et appréciés particulièrement des surréalistes. Les cinq éditeurs qui l’ont publié depuis 1959, Maurice Nadeau, Eric Losfeld, Joëlle Losfeld, André Dimanche et enfin Georges Monti dans sa maison Le Temps qu’il fait, tous ceux-là auront entretenu la mémoire d’un artiste et écrivain majeur de l’après-guerre, même si absent des histoires de la littérature.
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Les jardins statuaires
Jacques Abeille, François Schuiten - Livre - Le Tripode - Attila - 1982Ce livre est sorti en 1982 dans la collection Texte chez Flammarion sous l’autorité littéraire de Bernard Noël, collection fondée par le tout jeune Paul Otchakovsky, qui lui-même avait appris le métier d’éditeur chez Christian Bourgois. Dans les années soixante-dix, début quatre-vingt, Jacques Abeille fait partie des écrivains qui ont encore une proximité avec le surréalisme. Jacques Abeille est professeur de dessin, c’est un homme habité, peut-être un peu meurtri, d’une certaine manière il est un « cousin » lointain de Fred Deux. Cette filiation éditoriale et le titre appelaient obligatoirement à la lecture de ce livre. Et là ce fut un émerveillement dont j’ai découvert l’ampleur dans le temps puisque c’est un des rares livres que j’ai pu lire trois fois. C’est un roman très “gracquien” d’une certaine façon, puisqu’il s’agit de l’invention d’une géographie littéraire. Il y a une très grande originalité de conception, une très belle écriture, très élégante, qui est une des caractéristiques de l’œuvre de Jacques Abeille. Les jardins statuaires fait partie du Cycle des contrées, qui comporte sept ou huit romans de cette consistance, et dont il disait que c’était l’œuvre de sa vie. Il a récemment remis aux éditions du Tripode les derniers tomes du cycle qu’il a nourri avec une imagination qui lui aura peut-être absorbé de son énergie vitale. Après avoir conquis trois éditeurs différents, cette grande entreprise imaginaire a trouvé au Tripode l’esprit d’une maison qui impose désormais le nom de son auteur. Les Jardins statuaires est même passé dans la collection Folio, c’est dire…
Terminus radieux
Antoine Volodine - Livre - Points - 2014Comme chez Jacques Abeille, avec Antoine Volodine le lecteur entre chez un écrivain créateur d’univers imaginaires. Volodine a créé un domaine, celui du post exotisme, autour duquel il a conçu une grande part de son œuvre, qu’on peut lire chez Gallimard ou aux Editions du Seuil, mais aussi chez Verdier et à L’Olivier. Du côté de l’exercice de l’imagination, Antoine Volodine a quelque chose de démesuré par ce travail acharné à ouvrir des espaces terribles, inquiétants autant que fascinants. Terminus radieux est certainement son œuvre la plus aboutie, la plus emblématique, la plus riche aussi. On a là une étendue géographique, la Sibérie, son aridité, son enfermement, qui provoquent chez le lecteur des images mentales étranges qui peuvent se révéler anxiogènes. Dans cette Sibérie souvent évoquée par le romancier, il y a aussi le chamanisme qui est un élément obsédant de l’œuvre de Volodine. Il y a notamment ce personnage de chamane qui fait remonter du fin fond bouillant de la terre la lave des esprits, de la nature. J’ai découvert Antoine Volodine avec Lisbonne dernière marge (1990), chez Minuit, dans lequel on était marqué par l’obsession de la question du soviétisme encore bien présent, logé dans une mémoire inviolable. Je ne sais pourquoi j’avais l’impression de retrouver aussi l’atmosphère du livre Les Hauteurs béantes d’Alexandre Zinoviev (1976), il y avait aussi la marque du cinéma d’Andrei Tarkovski, d’Alexeï Guerman, celle des stalkers. Et puis il y a cette image du train qui traverse sans jamais s’arrêter les grandes étendues blanches et qui rappelle autant celui de Trotsky que le Transperceneige. C’est à la fois par son onirisme que par son ironie, qui est une des caractéristiques de l’écriture de Volodine, qu’on est transporté. Téléporté peut-être ? A moins que ce ne soit « chamanisé » ?
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Les Oiseaux
Tarjei Vesaas - Livre - Plein Chant - 2003Décidément, cette sélection est marquée par les sociétés rurales ! Ici il y a ce personnage lunaire, sublime, qui n’est en lien profond qu’avec son monde intérieur et qui a décroché d’une réalité sociale à laquelle il aspirerait si elle pouvait l’accueillir. Ce cœur solitaire est doté d’une conscience de la nature et d’une intelligence beaucoup plus grande que les autres au ciel et à la terre, tant il est pleinement à l’écoute, de la nature et particulièrement des oiseaux. Ce personnage échappe au monde immédiat et malheureusement, comme il est simple d’esprit, lui aussi échappe au monde immédiat dans lequel il aurait du mal à survivre, s’il n’était pas sous le regard bienveillant de sa sœur. Les paysages, les silences, les lumières douces et froides sont des composantes essentielles de ce roman, dont la poésie ne peut que toucher le lecteur. Celles et ceux qui ont pu voir l’adaptation théâtrale de La Barque de Vesaas par Claude Régy ont pu mesurer tout le formidable potentiel d’émotion que possède cette œuvre. On a pu coller à Tarjei Vesaas l’étiquette des écrivains prolétariens, dont il représente une figure rurale. Ces écrivains qu’on trouve en effet dans les pays du nord, Norvège et Suède, sont très liés à la condition du travailleur, à ces conditions précaires qui sont aussi celle des petits paysans. L’éditeur qui a récupéré les droits de Vesaas, Plein chant, est un éditeur-imprimeur qui est resté très attaché à ces courants dits de littérature prolétarienne, nés au détour des années 20 et 30, souvent attachés au mouvement libertaire.
La Grande peur dans la montagne
Charles-Ferdinand Ramuz - Livre - Livre de poche - 1925À la fin du livre, un village va être écrasé par un glacier mais, en fait, ce n’est pas le sujet de ce roman. Ici, le vrai sujet c’est le regard de Ramuz qui est une sorte d’ethnologue des sociétés rurales de Suisse Romande. De ce milieu dans lequel il a vécu, dont il aura été l’observateur et le conteur, mais il l’a fait en forgeant une langue propre, à la fois un peu brute, avec une certaine rugosité, mais aussi une élégance et une plasticité inouïe. Dans les pâturages délaissés depuis longtemps, parce qu’ils portaient malheur, le destin va à nouveau frapper ceux qui ont voulu faire fi des superstitions. Il va y avoir des morts, des disparitions étranges, et cette chute finale, terrible. Ce que j’aime ici, c’est la menace de la montagne, moi qui l’aime mais qui l’ai toujours trouvée redoutable, et pour tout dire passablement angoissante. La Grande peur rend compte de cette puissance redoutable, et de la mesure des hommes. On peut y lire une fable écologique si on veut, une métaphore de l’« effondrement » dont on parle tant désormais. Mais l’important n’est pas là. La montagne est magique, certes, mais elle est avant tout l’élément central d’une immense création littéraire. Dans ce livre qu’on ne raconte pas, il y a des passages éblouissants, entre autres celui d’une montée solitaire dans les alpages. Il y a une telle précision dans la description des gestes, de la présence des ruisseaux, des rochers… C’est saisissant de beauté. Le récit de la progression vers les sommets est justement un « sommet » d’écriture, tant dans la précision, l’économie et la richesse, le rythme, le souffle et la respiration, la présence d’un corps et celle d’une certaine abstraction. Ramuz aimait les peintres et la peinture, autant que la musique et les musiciens. Ce sont toutes ces dimensions qui en font un des grands écrivains de la langue française.
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Franck Bouysse- Prêt Numérique en Bibliothèque : 9782021168587Localiser
V.
Thomas Pynchon - Livre - Points - 1963Je n’ai pas d’autre souvenir de ce roman que celui d’un éblouissement. C’est un roman qui m’a renversé, qui fait partie des œuvres - romans, films, tableaux - qui m’ont bousculé, qui ont modifié mon axe de vie. J’ai commencé à m’intéresser au monde de la culture en découvrant des auteurs de la contre-culture, et j’ai découvert Pynchon en lisant des bouquins sur la littérature américaine quand j’avais vingt ans. Notamment Les U.S.A à la recherche de leur identité. Rencontre avec 40 écrivains américains de Pierre Dommergues (Grasset 1967). Mais au milieu des années soixante-dix, trouver V. de Pynchon… c’était avant internet ! Pour moi Pynchon figure au panthéon de la littérature. Ce que j’ai trouvé et aimé chez lui, c’est le délire paranoïaque, cette inventivité sans limite, le côté psychédélique, ça scintillait de partout. Je vais me donner comme mission prochaine de redécouvrir ce livre !
Le Maître et Marguerite
Mikhaïl Boulgakov, André Markowicz, Françoise Morvan - Livre - Inculte - 1939J’ai vingt ans et suis encore étudiant dans une école d’ingénieurs quand je découvre Le Maître et Marguerite. Cette nouvelle traduction est sublime. C’est une Rolls de la traduction. On sent tout l’appétit qui a conduit André Markowicz et Françoise Morvan, notamment avec la dissémination de quelques notes qui permettent de comprendre les jeux de mots et les jeux de noms que Boulgakov a utilisés pour cacher sous l’ironie avec laquelle il regarde la société communiste et sa bureaucratie. Ce roman est drôle, vivant, plein de lumière. Quand on est sous la menace permanente du pouvoir soviétique comme l’était Boulgakov, il faut une sacrée capacité de résilience - pour employer un mot qu’on nous sert trop souvent - pour mener à bien une telle entreprise. Boulgakov a mis dix ans en diverses étapes pour écrire Le Maître et Marguerite et c’est sa femme qui a fini ce travail. C’est assurément une des grandes œuvres du XXe siècle.
La Vie mode d'emploi
Georges Perec - Livre - Livre de poche - 1978On pourrait trouver des affinités entre La vie mode d'emploi de Perec et V. de Pynchon. Ce sont deux romans qui tous les deux racontent plein d’histoires différentes. La vie mode d'emploi est le premier livre que j’ai relu pendant le premier confinement, en mars dernier. Je ne l’avais pas lu depuis 1980. Je m’aperçois que je ne peux pas parler de liste de livres sans parler de Perec qui est pour moi la figure la plus émouvante, la plus significative, la plus constante de mes quarante ans de librairie. Il représente tout ce dont nous voudrions avoir hérité, mémoire, histoire, engagement, obstination, inventivité, rigueur et humour. L’histoire de Perec, c’est en particulier l’émotion de cette histoire terrible d’une famille décimée dans les camps de la mort, pourtant, sa vie, son mode d’emploi aura été celle d’un infatigable inventeur de littérature, autant que d’un observateur audacieux de son temps. Il est attaché lui aussi à la figure de Maurice Nadeau, puis à celle de Paul Otchakovsky-Laurens qui symbolise un renouveau dans l’édition de la fin des années soixante-dix. Il y a eu toute une génération qui a su réactiver son rapport à la pratique des livres, à la pratique de la lecture, de la fabrication et à la proposition, qui a usé au mieux de tout ce que nous avons pu acquérir de 68. Mais Perec c’est aussi Maurice Olender, qui aura assuré après sa mort en mars 1982 l’édition d’une partie notable de ses écrits, souvent inédits. Ce qui m’a suffoqué à la relecture de La vie mode d'emploi c’est que c’est un livre bouleversant d’humanité, une dimension que j’avais oubliée ou sous-estimée dans ma jeunesse. C’est un exposé du tragique avec ce que le tragique peut aussi contenir de comique, de lumineux. C’est un roman de mélancolie et de lumières. Croire à ce point dans les destinées des hommes et des femmes et de leurs micro-histoires… C’est le roman le plus réconciliateur avec l’humanité que j’ai jamais lu. Peut-être avais-je besoin de cela lorsque nous avons été enfermés, et ça a été merveilleux, en dépit de ce dans quoi, justement, notre humanité commençait à s’enfoncer. Si la grâce existe, c’est dans ces propositions de création qu’on la trouve. Oui.
Si c'est un homme
Primo Levi - Livre - Pocket Documents Et Essais - 1947 - 1987C’est fou de penser que ce livre n’est paru en France qu’en 1987. C’est pourtant un des plus importants sur la question qui reste centrale de notre histoire collective, commune, et aura troublé notre jeunesse. On aura passé toute notre vie en s’accompagnant de la Shoah, de ce désastre, de ce qui est le plus innommable des crimes, et de cette mort industrielle que des hommes ont inventée pour le mener à bien. Pour moi, dans le travail de la librairie, la question de la Shoah est une des plus décisives et j’espère que nous aurons contribué à éteindre les effets du mensonge et à continuer de ne jamais oublier. Les livres de Primo Levi sont saisissants par la très étrange objectivité de cet écrivain. Comme dans Récits de la Kolyma de Varlam Chalamov on a l’impression de toucher la réalité. Et à la fois, cela est du cauchemar et de la pure abstraction. Chez Primo Levi on sent la violence, mais on sent aussi qu’il la tient à distance, qu’il essaye d’en neutraliser les affects. Il n’y a pas de bavardage, juste la terrible froideur du système concentrationnaire nazi à l’œuvre dans son quotidien. Peut-être est-ce de ne pas pouvoir sortir, comme dans le tableau de Munch, le cri qui libère, cette douleur, qui l’a conduit à choisir cette fin terrible en se jetant dans le vide. Les librairies devront sans cesse exposer Primo Levi, comme Robert Antelme, comme Charlotte Delbo, comme David Rousset et Germaine Tillion…et tant d’autres témoins.
- Prêt Numérique en Bibliothèque : 9782221194560Localiser
La Leçon d'allemand
Siegfried Lenz - Livre - Robert laffont - Pavillons Poche - 1968La Leçon d'allemand est un des tous premiers horizons littéraires qui m’a été révélé à mes débuts à la librairie. Je n’en avais plus de souvenir, et là encore, c’est pendant mes errements littéraires de cette période de confinement que j’ai repris La Leçon d'allemand. Lenz est arrivé à une qualité de construction, de précision, de conviction, comme peu d’autres écrivains y sont parvenus. On reste à la lecture de ce livre ébahi par la clarté et la précision du montage autant que par celles de la peinture des personnages et des situations. Peut-être cela tient-il de la langue allemande. Je me souviens que jusqu’au milieu des années soixante, j’ai été complètement conditionné par l’histoire de la guerre, par la reconstruction en cours et toutes ses illusions, par la guerre froide et la peur atomique. Dans cette histoire, qui se déroule au nord de l’Allemagne près de la frontière avec le Danemark, dans une petite communauté villageoise, il y a un policier qui est le représentant du pouvoir nazi, son fils et un peintre - inspiré par la figure d’Emil Nolde - auquel le pouvoir va demander d’arrêter de peindre. C’est le père qui va être chargé de faire pression sur le peintre, mais c’est le fils du policier, déserteur de l’armée allemande, qui va faire tout ce qui est en son pouvoir pour aider l’artiste. L’histoire se passe très loin des effets immédiats de la guerre, nous sommes assez loin des bombardements, de Dresde, de Hambourg, ou de Berlin, on est loin du feu, mais on sent, par l’exercice de la menace du père sur le peintre, toute la violence de ce régime. Et finalement ce qui est important c’est ce que vivent les hommes entre eux, c’est comment le pouvoir nazi a pu compromettre les relations les plus amicales, les plus anciennes, comment a fonctionné cette entreprise de décomposition du lien entre les gens d’une même communauté. C’est un témoignage majeur de cette Allemagne qui commence à essayer de solder, entre autres grâce aux écrivains du début des années soixante comme Siegfried Lenz, d’exorciser cette période de l’histoire marquée par le nazisme.
Lilas rouge
Reinhard Kaiser-Mühlecker - Livre - Verdier - 2021C’est une découverte toute récente, un roman bien dense de 750 pages que j’ai lu en trois jours. C’est un livre ébouriffant de par sa puissance et la diversité de ses portes d’entrée. Là encore nous sommes dans un monde rural où, comme chez Ramuz ou Siegfried Lenz, on a l’impression de lire des peintures ou des aquarelles. Reinhard Kaiser-Mühlecker a repris la ferme de ses parents et nul doute que ça l’aura convaincu d’écrire sur une société villageoise qu’il connaît parfaitement et dont il parle admirablement. Ce roman est le récit de trois générations d’une famille maudite, condamnée par on ne sait quel ordre qui les dépasserait. On retrouve un peu une ambiance faulknerienne, ce côté ratiboisé, raboté par le sort. Ça commence dans les années quarante, en pleine guerre, pourtant loin, avec un homme qui arrive, débarque en charrette dans un village des confins avec sa fille taiseuse. On comprend que son passé n’est pas très net et qu’il a dû fuir rapidement. Un peu plus tard, on découvre le fils de cet homme, de retour du front de l’est, et on va suivre leur vie à tous les trois, leur adaptation à une société âpre, rude, violente. Cette violence nourrit sans cesse le roman, dont les protagonistes, inimaginables, sont aussi riches que dans les cours des rois anglais ! C’est dans un vertige d’écriture que ce jeune romancier installe son lecteur, pour un voyage au long cours, un voyage qui va prendre dans un chapitre inattendu une toute autre couleur, une toute autre lumière que celle de cette Autriche rurale et profonde à laquelle nous sommes invités et que nous quittons avec regret, tant cet univers et cette humanité complexe sont fascinants.
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Europe at 27 - First Part (A-I) (EN)L'Europe à 27 - Première Partie (A-I)
Essentielles librairies
Christian Thorel
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