Je me suis rendue compte de la force des histoires, de ce que c’est que raconter des histoires, avec Macadam Cowboy. Pour moi, comme dans Le Démon, c’est une histoire sur la solitude, sur le fait de ne pas se sentir comme tout le monde, de ne pas savoir où l’on va. Dans Le Démon, c’est très sombre et macabre, Macadam est hyper triste mais c'est aussi très romantique, très romanesque. L’histoire de quelqu’un qui fait les mauvaises rencontres, qui a les mauvaises connexions, mais qui en même temps a une espèce de grâce qui fait qu’il ne va pas se faire démolir, c'est le copain d'à côté qui meurt à sa place. C’est un film du temps où les gens avaient encore la patience de lire et regarder des histoires qui s'installent lentement, sans l’artifice de l’accroche avec une scène d’action. J’ai une vraie tendresse pour ces histoires-là.

L'auteur est une petite-nièce de Pannonica de Koenigswarter et elle retrace toute l'histoire de sa tante, sa naissance dans le clan Rothschild, comment l'empire s'est créé, pourquoi ils se sont tournés vers l'argent, etc. Elle décrit comment sa tante a réussi à sortir d'un mariage alors qu'elle avait quatre ou cinq enfants : un jour, de passage à New York, elle a entendu Thelonious Monk jouer ‘Round Midnight et elle n’est jamais repartie. Il fallait qu’elle rencontre le type qui avait créé ça, et toute sa vie, elle l'a soutenu, Charlie Parker est mort chez elle. On la voit dans Bird (1988), le film de Clint Eastwood. On la voit également dans un documentaire sur Thelonious Monk. J'ai une faiblesse pour le jazz new-yorkais des années 40 et 50, je trouve que ce sont des histoires qui font rêver. Hyper difficile pour les Noirs, mais pour les musiciens, c'est une époque bénie. Donc, cette femme blanche qui se retrouve au milieu de ces mecs, qui les aime plus que tout, qui va tout faire pour eux, j'adore ça ! (A lire également Les musiciens de jazz et leurs trois vœux Pannonica de Koenigswarter).

"À la sortie de la petite gare, en sentant la moiteur dans l'air et en voyant les palmiers sur le parking, elle a eu l'impression de débarquer dans un autre coin que le Finistère, quelque chose d'étrangement chaud, humide, enveloppant, et elle a su qu'elle allait être bien ici." Les personnages des Insolents pourraient être ceux de Superstars vingt-cinq ans plus tard, Alex pourrait être la projection de Louise qui aurait poussé la réflexion sur sa vie un peu plus loin, jusqu’à une plage bretonne, comme pour finir de s’échapper d’une époque, celle désespérée des années 90. “On ne demande rien d’autre à la nature qu’être la nature” Ann Scott.

Quand je dois commencer à écrire un nouveau livre et que je n’arrive pas à m’y mettre, je relis cette autobiographie de Miles Davis. Je l'ai lue au moins quatre ou cinq fois. Ce type avait un tel drive intérieur ! Il savait tellement où il allait. Ça m'aide à me remettre au travail, vraiment, tout bêtement. Quand on n'est pas fasciné par ce qui se passe à notre époque, on va plonger dans celles d'avant. Et ces gens savaient où ils allaient et pourquoi. C’est ce que je n'ai pas, et donc ça me porte.

Quand je n'arrive pas à travailler, je regarde ce film. Les acteurs sont sublimes, Christopher Plummer y est génial par exemple. On voit Daniel Craig faire son enquête pour retrouver un tueur en série, travailler avec ses fiches sur les murs, de plus en plus seul. C'est exactement comme ça que je vis dès que j’écris un livre, que je fais des recherches. Quand je me sens seule et pas motivée, je regarde ce film et je me dis « bah oui ! », et j’y retourne. Cela paraît bête, mais si on n’a pas de gens autour de soi qu'on admire, on a des fantômes et c'est tout. Même si les gens qui me soutiennent sont tous morts, ce n’est pas grave, ça marche pareil. J'avance avec ça.

C’est l'album anti-déprime par excellence et pas juste pour la musique. Quand on est écrivain, on travaille tout seul. Ce n'est pas un travail d'équipe. Tant que le texte n'est pas fini, il n'y a pas encore de travail avec le directeur littéraire et encore moins avec l’éditeur. Alors quand cela me pèse, j'écoute Exile, je revois les images de cette période, de la vie du groupe à Nellcôte, dans cette villa qu’ils avaient envahie. Je sais que c'était compliqué, que c'était difficile, que l’album a été fini après, ailleurs, il n'empêche qu’on sent une cohésion, un truc de famille. Ils étaient tous avec leurs femmes, leurs gosses, tous là pour la même raison. Avoir eu cette chance si jeunes de vivre des choses aussi fortes, aussi colorées, aussi diversifiées… Quand on est écrivain, on n’a pas de potes pour partir en tournée !

Ralph Vaughan Williams est un compositeur anglais né à la fin du 19^ème (1872)  que j'ai découvert dans une interview de David Bowie. Il a écrit un morceau qui s'appelle The Lark Ascending (1914) qui dure un quart d'heure, et c'est ce que j'écoutais à chaque fois que j'avais besoin de me calmer après mes recherches sur le djihadisme ou Daesh. C’est la plus belle chose que j'ai jamais entendue. On dirait l'arrivée du printemps. Je ne sais pas parler de musique classique, je trouve ça beaucoup trop compliqué à décrire, trop technique, trop émotionnel, je n’ai pas les mots. Je crois juste que c'est le genre de choses qu’on pourrait écouter quand on attend la mort, quand on est très, très vieux et qu'on sait que c'est une question d'heures. Je pense que ça pallie la peur, que c'est un enchantement.

Avec Le Grand Meaulnes  j'ai l'impression que c'est la dernière fois que j'ai lu quelque chose de délicieux, un peu féérique, en même temps un peu cruel, et de très beau. C'est du rêve, quoi. Et comme on manque de beauté, j’ai envie de le relire.

Je n’ai pas encore vu Tenet, le dernier film de Christopher Nolan et j’espère qu’il va être aussi bien que qu’Inception (2010), Interstellar (2014) et surtout Premier Contact (2016) de Denis Villeneuve. Ces trois films sont extraordinaires. Je n'ai pas compris comment, dans Premier Contact, Amy Adams déchiffre les taches d'encre mais ce n’est pas grave, car en fin de compte, c'est un film sur le langage, sur  la volonté de comprendre. Ce qui me plaît dans ces films, ce ne sont pas les prouesses techniques mais la force de l’imagination. Je n’ai pas le cerveau pour imaginer tout ça ! Ces trois films m’emmènent ailleurs, dans des univers parallèles, ils me font respirer un autre air que celui des nouvelles qui nous tombent dessus tous les jours ! Et la photo de Premier Contact (de Bradford Young) est juste sublime.

Le Démon est le premier livre qui m'a donné envie d'écrire. Je lui ai trouvé une force incroyable. La même année, je me suis mise à lire William Burroughs, John Fante, Bukowski, ou encore le premier Bret Easton Ellis, Moins que zéro. Je les lisais en anglais parce que j'habitais en Angleterre, j'ai commencé par Le Démon. Déjà en lisant Bret Easton Ellis, j’ai pensé : si lui peut le faire, je peux essayer aussi, j'ai le même genre d'histoire. Mais avec Selby et Le Démon, là, j'ai pris une claque monstrueuse, je me suis dit, ça, c'est la littérature, c'est autre chose qu'un truc autobiographique, intimiste, branché. Je n'avais pas réalisé à quel point la littérature pouvait bousculer. C’est à partir de là que j'ai commencé à essayer d’écrire.

C’est un triptyque dans les orange et l'image de droite représente une créature qui a la tête dans le vide, en arrière et dont on voit les dents. Pour moi, c’est l'agonie à l'état pur. Je pense que dans l’art en général le sujet majeur, c’est la douleur. On parle souvent de l’amour ou de la rupture ou de la perte, mais la douleur est pour moi le sujet majeur en art. Et je trouve cette image hallucinante, dingue. Le voir en détail

« Il y a un an, une nuit de janvier, je me suis pris une grande baffe dans la gueule par un videur du Rex. Je me suis retrouvée sur le trottoir, en robe et sans manteau, avec du sang plein les mains. » Superstars est le roman qui a fait d’Ann Scott une figure de proue littéraire de la génération X, avec Virginie Despentes, ou Guillaume Dustan (1965-2005). Le roman se déroule à Paris, sur fond de boîtes de nuit, de sexe débridé et de drogues de toutes sortes, et il dépeint le quotidien désargenté mais optimiste de trois amies artistes et colocataires en attente de reconnaissance artistique. Un roman sur les doutes qui étreignent Louise, le personnage principal du roman, qui va, petit à petit, s’interroger sur le sens de sa vie.