Ecouter sur France Culture : Six de ces nouvelles ont été adaptées pour la radio.

Écrites au cours des quarante dernières années, les 76 nouvelles qui composent Le Roman noir de l’Histoire retracent, par la fiction documentée, les soubresauts de plus d’un siècle et demi d’histoire contemporaine française. Classées selon l’ordre chronologique de l’action, de 1855 à 2030, elles décrivent une trajectoire surprenante prenant naissance sur l’île anglo-normande d’exil d’un poète, pour s’achever sur une orbite interstellaire encombrée des déchets de la conquête spatiale.

« Mettant bout à bout les petits restes d’une histoire à vif, Daeninckx fait droit à des affaires classées sans suite, et ce droit de suite constitue la longue traîne du roman noir de l’histoire. » Patrick Boucheron, extrait de la préface.

« Dans ce roman, Philippe Videlier raconte l’histoire de l’assassinat, à Villeurbanne, en 1932, de Pietrantonio Di Mauro, un boxeur italien militant fasciste venu faire la promotion de Mussolini en France. Ce livre est la reconstitution minutieuse - Philippe Videlier  est également historien et chercheur au CNRS – de la traque par les membres de l’OVRA (la gestapo mussolinienne) des militants anarchistes soupçonnés du meurtre. Ce qui est incroyable, c’est la méticulosité avec laquelle Philippe Videlier a construit son récit et qui donne toute son ampleur au roman. On partage l’intimité des personnages, les membres de l’OVRA comme les anarchistes, que l’on va suivre pendant quinze ans, en France, dans la résistance, ou en Espagne dans les brigades internationales. C’est un livre très exigeant mais absolument extraordinaire. »

« En 2019 j’ai écrit quelques textes sur un événement passé totalement sous silence en Europe, la révolution anarchiste qui s’est tenue à Munich, en 1919, juste avant la révolution spartakiste. Cette révolution a mis en place la  république des Conseils de Bavière qui a tenu quelques semaines. Rainer Maria Rilke, qui était proche des dirigeants de cette république, a dû se réfugier en Suisse pour échapper aux corps francs qui ont écrasé cette révolution. Ernst Toller, le grand dramaturge (Hop là ! Nous vivons 1925) fut un des dirigeants de cette révolution, et parle de cette période dans ses mémoires Une Jeunesse en Allemagne. Toller a réussi à quitter l’Allemagne - juste avant l’arrivée d’Hitler au pouvoir, mais après avoir passé quelques années en prison – pour New-York, où son ami Stefan Zweig l’a accueilli. Malheureusement, comme Zweig, Toller se suicidera en 1939. »

« Tony Gatlif est un artiste qui m’a fortement bousculé. Avec ses images, mais aussi avec sa musique puisqu’il est également compositeur. Je l’ai découvert avec Les Princes (1983), un de ses tous premiers films, avec Gérard Darmon, un acteur qu’on ne s’attend pas à retrouver dans ce film fauché tourné à la Courneuve en noir et blanc. Par la suite j’ai vu et revu dix fois Vengo (2000). Il y a notamment cette scène où le personnage principal organise un concert de flamenco pour son neveu handicapé à qui il offre ces moments incroyables de musique, mais qui va finir suriné pour une histoire qu’il n’a pas comprise. A chaque fois j’ai la tentation d’arrêter le geste du tueur, d’agir sur l’écran pour dire, non ce n’est pas possible de supprimer ce mec qui représente le meilleur de l’humanité. Et puis après, il y a Liberté (2009), le film sur la déportation des tsiganes pendant la période de l’occupation, et que Tony Gatlif a mis vingt-cinq ans à réaliser, avec Marc Lavoine et James Thierrée, le petit fils de Chaplin. Il faut voir tous les films de Tony Gatlif. »

« Christian Lapie est né à côté de Reims, dans le Val-de-Vesle, là où ont eu lieu des combats terribles de la guerre de 14, comme celui du Chemin des Dames. Il me racontait que, l’hiver, quand il était gamin, il regardait les vallons de la montagne de Reims et qu’il voyait les piquets des vignes qui s’étendaient par milliers. Comme la végétation avait disparu, il imaginait des soldats, comme une armée qui occupait les collines. Devenu sculpteur, il récupère des arbres malades, promis à l’abattage, et il en fait des personnages, comme des totems de dix, quinze mètres de haut qu’il travaille à la hache ou à la tronçonneuse, qu’il noircit en les brulant  au chalumeau, et qu’il installe dans des lieux surprenant dans le  monde entier. C’est quelque chose de fabuleux, d’une beauté à couper le souffle. »

« Marc Lavoine, derrière l’image qu’on a du chanteur aux « yeux revolver », est un type qui vient de la banlieue, d’une famille communiste, et qui cache une sensibilité à fleur de peau, avec notamment un vrai attachement à la mythologie ouvrière. Dans ce livre, il parle de sa famille, et plus particulièrement de son père qui vendait l’Humanité le dimanche… Ce livre est une pure merveille d’émotion. »

« C’est l’histoire d’un type qui a perdu son boulot et qui va être expulsé de chez lui, conséquence de la crise des subprimes de 2008. Il se retrouve avec sa femme et son fils à devoir aller vivre dans un motel où il retrouve des dizaines de familles en passe d’être expulsées à leur tour, un ilot de misère, pur produit de la loi capitaliste la plus sauvage, mais dans lequel règne pourtant un certain esprit de solidarité. Pour survivre le personnage principal va accepter de travailler pour l’agent immobilier qui récupère les maisons, et qui, petit à petit, va en faire son second qui va, à son tour, se retrouver dans la peau de l’expulseur. C’est glaçant parce que ce n’est pas traité de manière misérabiliste. C’est un traitement à la Berthold Brecht qui ne fait jamais de cadeau à ses personnages. Dans ce film, la déchéance ce n’est pas la misère, c’est la compromission. C’est du Ken Loach sous amphétamines. » (Grand Prix du Festival du cinéma américain de Deauville en 2015)

« C’est un film très inventif qui se passe dans un train pendant qu’un virus se développe qui transforme les gens en zombies. Et ce train, dans lequel se développe l’épidémie, fonce vers la ville de Busan barricadée et gardée par des militaires planqués derrière des mitrailleuses. Mais c’est aussi un film sur la solitude, sur les gens qui ont perdu la solidarité, qui vivent chacun dans leur univers, mais qui vont redécouvrir les valeurs de la solidarité, de la rédemption par le sacrifice. C’est un film comme ceux réalisés ou produits par Roger Corman, des films de genre mais des films éminemment politiques. »

« Comme Dernier train pour Busan, Parasite est aussi un film politique, avec sa ville haute et sa ville basse, et les parasites qui vont détruire l’ordonnancement d’une société qui ne s’aperçoit pas de la manière dont elle est oppressive. Et puis il y a cette idée géniale que la différence entre les classes soit caractérisée par l’odeur. C’est absolument grandiose ! J’avais vu tous les films de Bong Joon-ho (Memories of Murder (2003),The Host (2006), Mother (2009) Le Transperceneige (2013)), mais Parasite reste un film glaçant. »

« Là, j’ai eu un choc. J’ai vécu en Seine Saint-Denis pratiquement toute ma vie, et j’avais le film sous les yeux quand j’ouvrais la porte de la maison que j’habitais à Aubervilliers, tout ce pourrissement, la démocratie remplacée par des rapports de force. Pour moi, ce n’est pas un film, c’est un documentaire à peine fictionné. Les optimistes pensent qu’à la fin le gamin ne jettera pas son cocktail Molotov, mais les réalistes savent bien qu’il va le faire. C’est un film d’une telle acuité, d’une telle justesse, que derrière nous, dans la salle, des jeunes étaient en pleurs. Ils ne se levaient pas de leurs sièges. Ce qu’ils ont vu, c’est une partie de leur existence. Je n’ai jamais vu ça au cinéma. »

« J’ai été obligé de quitter la Seine-Saint-Denis, où j’ai toujours vécu, à cause du pourrissement politique. Des territoires sont pris en main par les dealers de cames et les dealers de religiosité - qui sont aussi violents les uns que les autres - avec la complicité des pouvoirs politiques. Ce livre, publié sous la direction de Bernard Rougier, est la somme des enquêtes de terrain de ses étudiants en sociologie, qui tous vivaient en banlieues, sont d’origine maghrébine, et qui tous parlent l’Arabe et l’Arabe littéraire. Ils expliquent donc comment fonctionne le biotope qui s’est créé entre les commerces, les associations subventionnées, certaines mosquées salafistes… Ils expliquent aussi comment une contre société se construit, comme dans les années cinquante et soixante, sur ces mêmes territoires, une contre société formée par le parti communiste s’était mise en place. Ce livre est assez effrayant parce qu’on n’est pas dans le discours idéologique,  on remontre aux racines. Ce sont des faits. »

« Mon ombre sur les murs se superpose à toutes celles, amies, dont le soleil a projeté l'histoire. Et pourtant je pars sans regarder derrière moi, non pas soulagé mais comme désentravé. Je ne déserte pas ce territoire, où pendant quarante années j'ai écrit la totalité des dix mille pages publiées, parce que j'ai fini par comprendre que c'était lui qui m'avait quitté, abandonné. »

« Alors que j’ai passé soixante-dix piges à Aubervilliers, en trois mois je me suis intégré dans ce quartier des Rigollots à Fontenay. On s’est installés en août dans ce quartier (qui tient son nom  de l’inventeur du cataplasme à la moutarde qui avait installé son usine à Fontenay), et en septembre ouvrait la librairie La flibuste. Un signe ! »

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