« Lorsqu’il s'agit de sonder une plaie, un gouffre ou une société, depuis quand est-ce un tort de descendre trop avant, d’aller au fond ? Nous avions toujours pensé que c’était quelquefois un acte de courage, et tout au moins une action simple et utile, digne de l’attention sympathique que mérite le devoir accepté et accompli. Ne pas tout explorer, ne pas tout étudier, s’arrêter en chemin, pourquoi ? » Victor Hugo

Après un court métrage du même nom sorti en 2016, Les Misérables, du même Ladj Ly, a reçu le Prix du Jury à Cannes en 2019, et représentera la France aux Oscars en février prochain.

Sans les bons mots pour exprimer une pensée ou une revendication, on se sent coincé, incapable d’affronter le monde dans lequel on vit. Ladj Ly et ses complices de Kourtrajmé, l’école de cinéma qu’ils ont créée, l’ont bien compris, puisque des cours de culture générale font partie du cursus général. C’est ce que montre aussi le film À Voix haute, co-réalisé par Ladj Ly et Stéphane de Freitas. « Construire des écoles, c’est fermer des prisons » Victor Hugo

En plus des hasards de la géographie (Victor Hugo a écrit Les Misérables à Montfermeil), Ladj Ly a semé dans son film des références directes au roman. Au personnage d’Issa - le personnage central du film -, Ladj Ly fait dire, « aidé » par un des policiers : « Je suis tombé… tout seul ». Autre référence au roman, la phrase que le réalisateur place à la toute fin du film : « Mes amis, retenez ceci : il n'y a ni mauvaises herbes, ni mauvais hommes, il n'y a que de mauvais cultivateurs. » S’il fallait une preuve de son universalisme, Les Misérables (le roman) a été adapté, en France et à l’étranger, une cinquantaine de fois au cinéma ou à la télévision, sans compter les bandes dessinées, les adaptations pour le théâtre, une comédie musicale, un manga…

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Dix ans après La Haine et sa forme maitrisée, stylisée, Jean-François Richet livre un film cru, à la limite du reportage. Pour Ma 6-T va crack-er, Jean-François Richet a planté sa caméra au milieu d’une cité dans laquelle des jeunes trompent leur ennui et leur peur de l’avenir dans une violence qui les dévore. Le film qui fait le pont entre La Haine et Les Misérables.

La Haine est une première dans le cinéma français : un réalisateur et des acteurs inconnus jettent à la tête du public français la vision d’une jeunesse dont les grands médias ne leur disent rien, parce qu’ils n’en connaissent rien. Dans La Haine, le spectateur suit trois jeunes dans une virée à Paris après qu’ont éclaté des émeutes dans leur cité, émeutes qui font suite à la mort d’un autre jeune tué par la police. La Haine a inspiré la génération des réalisateurs de Kourtrajmé, dont Ladj Ly. Prix de la mise en scène au Festival de Cannes 1995.

Au cours d’un été caniculaire, à Brooklyn, les italo-américains et les afro-américains, qui cohabitent difficilement, en viennent aux mains. La police intervient, tue un des afro-américains, et laissent les protagonistes des deux communautés s’affronter dans une bagarre qui tourne à l’émeute. Véritable bombe à sa sortie en salles, le film de Spike Lee est un des premiers à avoir mis le doigt sur la montée des violences urbaines et policières.

Dans Les Misérables, différentes communautés cohabitent dans un équilibre fragile. Dans ce château de cartes branlant déboulent, un beau matin, une famille de gitans énervés venus récupérer un lionceau qu’on leur a volé dans le cirque qu’ils ont planté à côté de la cité des Bosquets. Pas de cirque ni de lion dans La BM du seigneur de Jean-Charles Hue, mais une immersion au sein de la famille Dorkel, dont Fred, voleur de voitures, qui, une nuit, reçoit la visite d’un ange qui va l’amener à changer de vie. Comme le disait Le Monde : « Jean-Charles Hue a transformé des pestiférés en héros mythologiques. »

Dans la cité des Blattes, Paul est un alcoolique qui vit avec sa mère. Un jour qu’elle va faire les courses, celle-ci prend une balle perdue et meurt en douceur, sans se plaindre. Plutôt qu’appeler la police, le fils garde le corps de sa maman dans l’appartement. Peu de temps après il recueille, dans une benne à ordures, Hélène, la star du feuilleton Hélène et les garçons, qui, dans la vraie vie, se révèle être très très différente de son personnage… Hervé Prudon écrivait avec un rare talent des histoires foldingues, comme ce Nadine Mouque, véritable satire où l'on découvre une banlieue ravagée par la drogue et en pleine déliquescence sociale.

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C’est l’histoire de Philippe qui vit dans une cité et passe ses journées à traîner, fumer et piquer des bières au centre commercial. Philippe est entouré d'une mère qui le déteste, d’un père effacé qui a renoncé à tout depuis longtemps, et d’un frère aussi beau que bête. Le quotidien de Philippe s’étire entre les immeubles de sa cité « sensible », de celles qu’on appelait, il y a une éternité, ville nouvelle. Mais pour Philippe, le pire est reste encore à venir.

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Compagnon de route de Ladj Ly et du collectif Kourtrajmé (formé par Kim Chapiron, Toumani Sangaré, Romain Gavras, et auquel s’associeront Vincent Cassel, Mathieu Kassovitz et d’autres encore), Oxmo Puccino incarne la figure du grand frère qui calme les esprits plutôt que d’encourager à sortir les fusils. Son ouverture musicale l’a amené à collaborer aussi bien avec Orelsan, Nekfeu, Damon Albarn.(Gorillaz) ou le trompettiste Erk Truffaz.

À la fin des années quatre-vingt NTM fut la locomotive du rap français qui entraina des dizaines de groupes dans ses wagons, et qui surtout donna une identité à tous les jeunes des cités du 9-3 et, par extension, à tous les autres.

« Laisse pas trainer ton fils
Si tu veux pas qu'il glisse
Qu'il te ramène du vice
Non laisse pas trainer ton fils »

Les grands ensembles, mélanges de tours et de grandes barres d’immeubles, ont été construits dans les banlieues des grandes villes entre le milieu des années cinquante et le milieu des années soixante-dix, principalement pour y loger la main-d’œuvre des grandes industries. S’ils offraient un confort moderne nouveau, le manque de transports, de commerces, de vie de quartier et un taux de chômage galopant, ont fait de ces ensembles des usines à produire de l’ennuie et de la misère. Dans les années soixante-dix et quatre-vingt, c’est à grands coups de guitares électriques que la jeunesse criait sa colère. Si la musique a changé, le problème n’a fait qu’empirer.