Depuis les années 1990, Françoise Pétrovitch façonne l’une des œuvres les plus puissantes de la scène française. Parmi les nombreuses techniques qu’elle pratique – céramique, verre, lavis, peinture, estampe ou vidéo – le dessin tient une place particulière. Dans un dialogue constant avec les artistes qui l’ont précédée et se mesurant aux motifs de la « grande peinture » Françoise Pétrovitch révèle un monde ambigu, volontiers transgressif, se jouant des frontières conventionnelles et échappant à toute interprétation. Ses œuvres figurent dans de multiples collections publiques et privées, notamment le Centre Pompidou, Paris (FR), le National Museum of Women in the Arts, à Washington DC (US), le Musée Jenisch, Vevey (CH), les musées d’Art moderne et contemporain de Saint-Étienne (FR) et de Strasbourg (FR), le MAC VAL (FR), de nombreux FRAC, ainsi que les Fondations Salomon et Guerlain, le Fonds Hélène et Édouard Leclerc.

C’est un film que j’ai découvert il y a de nombreuses années et qui m’avait saisie. Peter Brook adapte le roman de William Golding qui imagine qu’après la chute de leur avion dans l'océan Pacifique, un groupe de jeunes garçons britanniques âgés de six à douze ans se retrouvent seuls sur une île. Peter Brook filme la sauvagerie, la force et en même temps la vulnérabilité des victimes. Par la suite, j’ai regardé comment le film s’était construit, le chef opérateur qui venait de la photo était novice dans le cinéma, le reste de l’équipe technique était en partie composée d’amateurs. On est dans un sentiment d’urgence assez poétique. On bascule tout de suite entre le réalisme et le fantastique. Un noir et blanc magistral avec des figures d’enfants qu’on n’oublie pas.

Pour moi Joyce Carol Oates est un monument. J’ai lu beaucoup de ses romans et pourtant elle en a écrit beaucoup, au point qu’on lui reproche presque d’être trop prolixe, de trop créer. Comme si un créateur pouvait rythmer son travail suivant un plan marketing établi. Produire un peu mais pas trop, être rare, se faire attendre… A ce genre de remarques, Joyce Carol Oates a répondu qu’on n’était pas obligé de la lire, ce que je trouve très juste ! J’aime beaucoup son journal qui est moins connu que ses romans. Ce journal, c’est le portrait d’une femme avec la littérature, avec les écrivains, avec ses étudiants aussi, son rapport à l’enseignement et ses valeurs imprévisibles. C’est un journal dans lequel on peut picorer et dans lequel il y a des réflexions très profondes sur la création et sur la vie que l’on vit en même temps.

C’est une histoire très noire, écrite dans une langue époustouflante, hallucinée, qui invente des mots. C’est un texte court qui nous fait plonger dans un univers inconnu, on ne sait pas où on est mais on s’accroche à ça. La forêt, la survie, la relation à la famille, la peur, le froid.

Marie Darrieussecq raconte ici la vie de Paula Modersohn-Becker (1876- 1907), une peintre qui était amie avec Rainer Maria Rilke et qui a rencontré toutes les difficultés d’être à la fois artiste peintre et femme à la fin du XIXe siècle et au début du XXe. Elle est morte à 31 ans sans avoir rencontré la reconnaissance, mais en laissant une œuvre importante exposée en 2016 au Musée d’Art Moderne de Paris. Dans son livre, Marie Darrieussecq nous permet de ressentir toute la difficulté de cette femme peintre. Sans en avoir réellement souffert, à mes débuts j’ai connu la condescendance du milieu sur mon travail, et plus largement sur le travail des femmes peintres en général.

C’est un chef d’œuvre pour moi. Même si c’est à la limite du supportable. Et c’est aussi ce qui m’intéresse. Quand parfois des choses qui sont à la limite du supportable nous dépassent. Il y a des œuvres qu’on ne comprend pas, mais ce n’est pas grave, on se contente d’être submergé par elles. C’est une illustration de la puissance d’une œuvre. Dans le film de Béla Tarr, il y a la question de la répétition, de l’inexorable, ces travelings délirants, ces silences interminables, il y a à la fois cette immobilité du monde et la menace qui rôde aux alentours. Une étrange sensation très perceptible aujourd’hui dans ce qu’on vit.

C’est un court métrage d’une jeune réalisatrice sur les transfuges de classes. C’est l’histoire d’un garde du corps qui est chargé de protéger la femme d’un ministre dans un cadre luxueux, et dans ce cadre Donovan se laisse aller à vivre une vie à laquelle il n’avait pas accès, pour finalement comprendre qu’il y a des cassures de classe qui sont infranchissables. Beau et utile.

C’est un tableau qu’on peut voir au Louvre. C’est une peinture qui est légère et grave, avec ce personnage central un peu hésitant, qui n’a pas l’air de bien saisir ce qui se passe. Il y a également trois autres personnages de la commedia dell' arte dans le bas, plus un cheval, qui donnent l’impression de ne pas être dans le même monde. Il y a une sorte de déséquilibre à tous les niveaux dans ce tableau. Le personnage n’est pas tout à fait droit. Quand on regarde fixement un tableau, on a du temps pour percevoir toutes les nuances. Les nuances de blanc, le paysage qui est sur le côté, le ciel qui occupe la plus grande place dans le tableau. Le personnage n’est adossé à rien, au vide seulement. Ces sensations, on ne les ressent que face au tableau, pas en regardant une image numérique. Comme toute la peinture d’ailleurs.

Rien que le titre est beau. C’est l’histoire de quelqu’un qui quitte les choses et qui n’a plus rien. C’est aussi une histoire de femme, une femme qui descend dans la rue et qui devient SDF. Puis qui s’isole à la campagne. Elle traîne des pieds, plus personne ne parle avec elle, jusqu’au jour où elle va vivre une ultime épreuve, elle qui est poète perd les mots. Elle ne sait plus parler, ne peut plus s'exprimer... C’est un livre magnifique.

Un livre qui dit l’impossibilité, le mensonge et la terreur d’un père. Le mensonge dans une langue bijoux.

« En surface » chanson écrite par Dominique A., parle de la légèreté de surface qui masque une personnalité plus sombre et complexe qu’elle n’y paraît. Le texte est très beau et l’élégance de l’interprétation de Daho en fait ressortir tout le charme.

Sur sa chaîne youtube, Thomas Levy-Lasnes fait de longues interviews de peintres contemporains de la scène française. Ce site réunit énormément de gens, et ça montre un vrai panorama artistique français. Il y a de tout et c’est ça qui est formidable ici, c’est un état de la peinture qui se fait actuellement. En plus, Thomas Levy-Lasnes est lui-même peintre. Il n’a pas sa langue dans sa poche ce qui rend les entretiens vivants et on assiste à un échange artiste/artiste.

C’est une petite interview de quatre minutes que Marguerite Duras a donnée en 1985 et dans laquelle elle donne sa vision des années 2000. Elle disait notamment : « Je crois que l’homme sera littéralement noyé dans l’information ». Elle dit également que ça ne sera plus la peine de voyager puisqu’on peut faire le tour du monde en quinze jours. “Voyager ce n’est pas voir vite, c’est voir et vivre en même temps.” Quel esprit !