Hugues Pagan est de retour et Schneider avec lui. Le flic taiseux, lasse, aussi sombre que son passé est flou, se lance sur les traces de la personne qui a mis le feu à un entrepôt dans lequel des SDF ont trouvé la mort. Mais dans la ville de province où il est de retour, plus Schneider avance et plus il s’enfonce dans l’obscurité, jusqu’à frapper aux portes de l’enfer. Styliste hors pair, Pagan donne à chaque personnage une couleur qui lui est propre, personnages qu’il plante dans un décor où le gris est la teinte dominante. Un roman qui dépasse le cadre du roman noir.

« Ma première admiration littéraire c’est Louis Ferdinand Céline, mais je précise que c’est le Céline du Voyage au bout de la nuit et de Mort à crédit. Ensuite, le côté énervé, pamphlétaire m’intéresse moins. J’aime Céline pour sa force poétique. C’est un grand prosateur, et surtout j’ai apprécié son côté moraliste. J’ai conservé deux phrases de Céline dans ma tête : “ Faire confiance aux hommes c’est déjà se faire tuer un peu “, “ Peut-être c’est ce qu’on cherche tout au long de sa vie, le plus long chagrin pour devenir soit même avant de mourir. “  Des phrases qui sont pour moi une sorte de boussole morale, indépendamment de la boussole stylistique. »

« Chamfort était une sorte de témoin de la fin de la royauté. Il a des formules formidables. Peu à peu il dédaigne la littérature officielle et ses honneurs. Homme d'Ancien Régime (1740-1794), il se tourne vers la Révolution. Que peut un homme face à un monde qu'il méprise ? Devenir le peintre de la folle société qui l'entoure, le romancier de la grande comédie mondaine, le témoin sarcastique et désabusé de l'injustice et de la cruauté des hommes. »

« J’adore la peinture de Monet, et en particulier La pie. D’une manière générale, j’aime quand une œuvre d’art m’apprend quelque chose, et plus généralement, je pense qu’une vraie œuvre d’art apporte quelque chose sur ce qu’on sait déjà. Un regard nouveau. Un jour, je me suis rendu compte que dans le tableau de Monet, il y a des traces de pas dans la neige. Et au pied de la haie, la lumière est bleue, la couleur de la neige à la lumière du crépuscule. Monet donne à voir ce qu’on sait mais qu’on n’avait pas encore vu. »

« J’ai une passion pour Billie Holiday qui était une immense chanteuse, une très belle femme, très abimée à la fin de sa vie qu’elle n’a pas eue facile. Sur “ Fine and Mellow”, qu’elle a enregistré avec Lester Young au sax ténor et au bout de sa vie, Billie le regarde se lever pour son solo avec toute la tendresse dont un être humain est capable. Ça, ça m’intéresse. Ça me passionne. Le reste… Et puis j’ai beaucoup d’admiration pour Billie parce que je n’oublie pas qu’elle a été la première à chanter “ Strange Fruit” qui a ruiné sa carrière. »

« Duke Ellington, c’est un choix pour l’ensemble de son œuvre qui est immense. Je ne me rappelle pas avoir écrit un texte sans Duke Ellington en fond sonore. Pas un. Bien sûr Duke Ellington pour les harmonies, mais aussi pour la structure narrative. “ Blues for New Orleans”, qui recèle toute l’élégance et le phrasé qu’on lui connaît, avec Wild Bill Davis à l’orgue Hammond, ensemble ils nous racontent toute la Nouvelle Orléans en huit minutes. Quand je travaille la nuit, je mets souvent “Happy Go Lucky Local ” pour le sifflet du train dans la nuit, ce sifflet qui vous raconte toute la nuit, des choses gaies, des choses tristes… »

« Virginia Woolf, c’est aussi un choix pour l’ensemble de son œuvre. C’est une admiration diffuse. Elle décrit ce que peu de gens voient. Au début de “Mrs Dalloway”, elle décrit ce qui s’appelle les bulles de champagne qu’on voit sur les bateaux quand ils vont à une certaine vitesse. Ces bulles disent simplement que le bateau va bien. Pas plus. Chez Virginia Woolf on les voie. » 

« Ray Charles, parce que c’est un homme que j’ai admiré pour son drive absolument phénoménal. Il a cette capacité à incarner des sentiments dans des notes de musique. Et puis l’humour qu’il faut sur soit pour dire : “Je suis aveugle, mais on trouve toujours plus malheureux que soi... J'aurais pu être noir.” »

Townes Van Zandt avait tout. Il était beau, et c’était un auteur magnifique en plus d’être un prodigieux guitariste. Il existe une sorte de clip sur “Big Country Blues”, dans lequel la musique est montée sur des photos de Richard Avedon tirées de son livre “Visages de l’ouest”. C’est une splendeur. »

« Quand on fait quelque chose, que ce soit l’écriture, la peinture… avec sérieux, on arrive à une espèce de dimension qui est presque métaphysique, poétique. Robert Johnson, ce voyou de première, est passé à côté de la folie, mais quand il raconte qu’il a rencontré le diable il ne faut pas en douter ! “ Love in Vain”, même abîmé par les Rolling Stones, ce morceau reste une perle. » 

« La Comtesse aux pieds nus est une chronique douce-amère, sans effet hollywoodien superflu. Ava Gardner était à elle seule un sacré personnage qui a fini ses jours en Espagne dans des débordements inimaginables après avoir été la star qu’elle a été. »

« Le Trésor de la Sierra Madre, c’est avant tout pour Humphrey Bogart, et l’apparition de John Houston, par ailleurs réalisateur et scénariste du film tiré du roman de B. Traven, cet auteur incroyable de langue allemande - bien qu’on ne connaisse pas son lieu de naissance - et de nationalité mexicaine. Mais au-delà de Bogart, peut-être que ma profonde admiration va à Delon. Le Alain Delon de Visconti, de Rocco et ses frères. On s’est rencontrés deux trois fois autour de projets de film, mais ça ne s’est jamais fait… »