En 2036, dans une France gouvernée par l’extrême droite, Samuel Vidouble est confiné dans sa cave à la suite d’un accident nucléaire sur le site de la centrale de Malville à l’ombre de laquelle il vivait enfant. Fascinante et monstrueuse, la centrale cristallise les disputes familiales et les luttes politiques des années 80. (…) Alternant roman d’apprentissage et d’anticipation, Malville explore cette France périurbaine, ainsi que les conséquences sanitaires et environnementales de nos « choix » énergétiques qui bouleversent irrémédiablement notre rapport au monde, à la terre et au vivant.

« J’ai grandi dans un milieu pro-nucléaire puisque mon père travaillait dans une centrale. Dans mon livre j’ai utilisé le nucléaire comme une métaphore du fascisme, parce qu’on voit bien que l’extrême droite est très, très pro-nucléaire et qu’elle en a fait un cheval de bataille. C’est un livre aussi sur ce mythe Français de l’indépendance énergétique qu’il est très difficile d’ébranler. »

« Cette exposition revient sur ce que l’âge atomique fait à l’art, et comment, en retour, l’art s’est emparé de la fission de l’atome, de la nucléarisation du monde et de ses catastrophes. Il y a des dessins très émouvants d’un artiste japonais témoin du bombardement d’Hiroshima, des choses sur Tchernobyl, d’autres sur Fukushima. Il y a aussi beaucoup d'œuvres qui montrent la fascination qu’a exercé la fission de l’atome sur les artistes, dont certains qui se déclaraient comme les premiers artistes d’une ère nouvelle, comme Yves Klein qui signe cette lettre sidérante, assez dingue, dans laquelle il explique qu’il est LE peintre de l’âge atomique. Il y a aussi deux photos de Jürgen Nefzger, à la fin de l’exposition, dont une avec un pêcheur au premier plan qui illustre la cohabitation toxique entre les usagers du fleuve et l’industrie nucléaire. »

« Jürgen Nefzger a beaucoup photographié les centrales nucléaires, dont celle que j’ai choisie pour la couverture de mon livre, même si c’est celle de Tricastin et non pas celle de Creys-Malville. J’aimais bien l’idée que la centrale n’occupe pas le centre, ni le premier plan. Elle est légèrement décalée sur la gauche, elle apparaît dans le lointain, mais on voit très bien les volutes de vapeur et le Rhône qui baigne les centrales de Tricastin et de Malville. On mesure bien l’emprise du nucléaire dans un paysage qui est typiquement celui de la France périurbaine, industrialisée, nucléarisée, ces images qu’on retrouve dans son livre Fluffy Clouds, et qui sont souvent prises dans des lumières assez douces. »

« J’ai vu Mud à sa sortie en salle et plusieurs fois depuis. C’est un film sur l’enfance et sur l’intimité que deux enfants peuvent entretenir avec un fleuve, en l'occurrence le Mississippi. Dans ce film j’ai retrouvé les émotions de mon enfance et de mon adolescence au bord du Rhône. J’avais l’impression d’être ces enfants. Je n’ai qu’un rêve, celui de me rendre sur les lieux du tournage, cette campagne du sud profond des États-Unis qui me touche particulièrement puisque j’ai vécu à Saint-Louis dans le Missouri, une ville également installée au bord du Mississippi. Il y a un côté Tom Sawyer et Huckleberry Finn dans ce très grand film porté par le jeu incroyable de tous les acteurs. »

« Je suis l'œuvre d’Emmanuel Lepage depuis très longtemps. Je trouve que c’est un excellent dessinateur, un peu tout terrain, capable d’utiliser une grande palette de médium. Le dessin est, pour moi qui dessine aussi, l’élément primordial d’une bande dessinée. Emmanuel Lepage n’hésite pas, s'il le faut, à surmonter des contraintes parfois pénibles, en Antarctique ou aux îles Kerguelen. Pour Un Printemps à Tchernobyl il dessinait dans une combinaison qui l’enveloppait complètement, avec masque et gants. Ça crée un dessin très fort, avec de très grandes planches où il utilise de la craie grasse, du pastel ou de l'aquarelle. Avec sa méthode, il arrive à faire parler la nature qui a repris ses droits puisque seul l’homme est chassé par le nucléaire. Les animaux sont un peu partout et les végétaux renaissent. Le dessin d’Emmanuel Lepage fait parler la catastrophe. » 

« C’est un livre sur le problème de l’enterrement des déchets nucléaires. Etienne Davodeau a fait un voyage en partant de Pech Merle où il a dessiné les mammouths de la grotte vieux de 20 000 ans, pour relier le site de la centrale de Cigéo, à Bure, dans la Meuse, en empruntant à pied cette fameuse diagonale du vide qui traverse la France. La grande réflexion de ce livre, c’est la nature du message qu’ont voulu nous laisser les hommes préhistoriques de Pech Merle, sans qu’on sache exactement ce que signifiait ces dessins malgré toutes les hypothèses émises autour des œuvres préhistoriques. Mais Etienne Davodeau pose aussi la question du message qu’on va laisser aux générations futures pour les prévenir qu’on a enfoui une bombe à retardement à 500 mètres de profondeur, dans les argiles du jurassique… l’époque des dinosaures. C’est une bd de réflexion, quasiment un essai dans lequel Etienne Davodeau fait parler toutes les personnes concernées par cette question. »

« Chernobyl est une série géniale, pas mal inspirée par le livre de Svetlana Alexievitch La Supplication, et dans laquelle on comprend très, très bien ce qui s’est passé, l’enchaînement des événements, les effets de la radiation sur toutes les victimes de la catastrophe, notamment ces pompiers qui sont intervenus les premiers. C’est une série édifiante. »

« Ce choix, c’est principalement parce que mon livre se passe au bord du Rhône. « The River » est une chanson qui m’accompagne et dont j’ai même du mal à parler. Dans sa chanson la rivière est toujours là, et Springsteen parvient à en saisir le rythme. »

« C’est le livre qui m’a fait prendre conscience de la dangerosité du nucléaire. Je l’ai lu juste après la catastrophe de Fukushima, à Kiev où je préparais une thèse de géographie. On sait que si la ville a été épargnée, c’est parce que les vents soufflaient vers le nord, mais au nord ils ont irradié la Biélorussie. Svetlana Alexievitch est Biélorusse et elle raconte à quel point la catastrophe a transformé toute une région, devenue inhabitée et inhabitable, un territoire grand comme un département français. Svetlana Alexievitch établit aussi un parallèle entre la catastrophe et la chute de l’Union soviétique, parce qu’on a fini par comprendre que cette catastrophe est une des raisons de la chute de l’URSS. Pas la seule, mais une des raisons importantes. Gorbatchev lui-même l’a reconnu. C’est un livre passionnant dans lequel Svetlana Alexievitch dit :  “On a eu un aperçu du futur.” Ça a été un déclencheur pour l’écriture de Malville. »

« La Centrale est un livre qui parle du quotidien de ces travailleurs du nucléaire qui sont en première ligne, ces fantassins du nucléaire qui nettoyent les cuves en prenant souvent des doses de radiation importantes, qui doivent parfois se mettre en retrait mais qu’on rappelle quand leur taux de radiation est redescendu. Ce sont des sous-traitants d’EDF qui ne prend jamais le risque d’envoyer son propre personnel. C’est un livre très intéressant sur ces travailleurs qui vivent dans des caravanes, ces nomades du nucléaire qui vont d’une centrale à l’autre. Le livre a été adapté au cinéma par Rébecca Zlotowski dans Grand Central, avec Tahar Rahim et Léa Seydoux dans les rôles principaux. »

« Je ne sais pas qui se cache derrière ce pseudo, mais c’est un livre très intéressant qui rappelle d’abord toutes les catastrophes nucléaires qui ont eu lieu comme, par exemple, celle de Saint Laurent des Eaux que les autorités ont complètement oblitérée. Ce livre bât aussi en brèche cette idée qu’on trouve chez les nucléocrates, que le nucléaire serait une solution face au réchauffement climatique. L’autrice explique très bien que pas du tout, en soulignant notamment qu’avec les aléas climatiques et le niveau des rivières qui baisse, tout ça devient de plus en plus aléatoire. On l’a vu pendant la sécheresse de 2019 où beaucoup de centrales sur les bords de la Loire ont été mises à l’arrêt parce qu’elles ne pouvaient plus déverser leurs eaux dans le fleuve. C’est très clairement un livre de militante, un livre très courageux. »

« Malevil est un roman prophétique avec cette idée que le nucléaire c’est deux fois le mal, idée clairement introduite par son titre Mal-Evil (Evil, diable). C’est un roman post-apocalyptique, un roman d’anticipation courte puisqu’il est publié en 1972 et que l’histoire se passe entre 1977 et 1981. Dans Malevil, Merle imagine donc qu’en 1977 se produit une catastrophe, probablement nucléaire, qui déclenche un embrasement mondial. Une poignée de gens arrivent à survivre en se réfugiant dans la cave d’un château. On comprend alors que dans le reste du monde toute forme de vie a été éradiquée et que commence une lutte pour la survie. C’est un roman survivaliste, assez long, un vrai page-turner que beaucoup de gens ont lu au moment du confinement, et que je relis régulièrement. Christian de Chalonge en a réalisé une adaptation au cinéma avec une ribambelle de stars (Michel Serrault, Jacques Dutronc, Jean-Louis Trintignant) mais que Robert Merle a désavoué parce que la fin en a été modifiée par les scénaristes. »

« C’est un essai passionnant, en trois parties, dans lequel on trouve notamment la correspondance de Günther Anders avec Claude Eatherly qui était le chef-pilote de l’avion météo qui accompagnait le B-29 qui largua la bombe sur Hiroshima. Comme Oppenheimer, Claude Eatherly regrettera toute sa vie d’avoir participé à cette mission. Günther Anders échangera avec lui dans l’idée qu’il faut parler avec les bourreaux (Günther Anders est aussi l’auteur de Nous, fils d’Eichmann), qu’il ne faut pas le laisser seul à être rongé par la culpabilité parce qu’on est tous coupables. Pour lui, il n’y a pas de différence entre le nucléaire civile et le nucléaire militaire, et Truman savait très bien ce qu’il faisait quand il a bombardé Hiroshima et Nagasaki. On peut penser à l’hypocrisie qui règne aujourd’hui autour de la question iranienne, ou aux bombardements autour de la centrale de Zaporijia par l’armée russe. On pas loin de revenir à l’époque des Docteur Folamour. »