« Vraisemblablement, sans André Breton, n'aurions-nous jamais vu combien le commencement de tout ce qui nous importe est lié au désir. Autant au désir de ce qui est autre qu'au désir de l'autre, rien ne va plus à l'encontre du monde qu'on est en train de nous imposer. »  Annie Le Brun, poétesse, membre du mouvement surréaliste de 1963 à sa dissolution en 1969, était également une grande spécialiste de Sade. Trente-trois ans après sa première publication, Qui vive, cet essai incisif et brillant conserve toute sa pertinence. 

« Lorsque, au printemps de 1919, André Breton et Philippe Soupault conçoivent et expérimentent la méthode d'écriture d'où naîtront non seulement Les Champs magnétiques mais deux pièces de théâtre (...), l'un a vingt-trois et l'autre vingt-deux ans. Au même âge, Rimbaud venait de rompre avec la poésie ; Isidore Ducasse s'arrachait aux Chants de Maldoror (...). En 1918, Breton et Aragon, encore mobilisés, se portaient régulièrement volontaires, à l'hôpital où ils étaient affectés, pour assurer la garde de nuit et là, des heures durant, se lisaient à voix haute les psaumes démoniaques du Comte de Lautréamont. L'année suivante, Breton recopie, à la Bibliothèque nationale, l'exemplaire unique des Poésies, qui sont publiées en avril, dans le n° 2 de Littérature, revue qu'il vient de fonder avec Aragon et Soupault. » Philippe Audouin

En 1915, Théodore Fraenkel, étudiant en médecine, est comme son ami André Breton mobilisé avec un an d'avance. Envoyé en Russie en 1917, il assiste de près à la Révolution. Il en rentre marqué pour la vie. Aussi le retrouve-t-on en janvier 1920 parmi les premiers dadaïstes parisiens et ensuite au sein du mouvement surréaliste. En août 1936, il participe à la bataille des Baléares. Quand la Seconde Guerre mondiale éclate, il se cache (il est Juif), puis il traverse à pied les Pyrénées avant de rejoindre l'escadrille Normandie-Niémen. Cet homme oublié des livres d'Histoire, aura connu Vaché et Aragon, Desnos et Tzara, le stalinisme et la guerre d'Algérie. Révolutionnaire dans l'âme, Fraenkel est aussi un amoureux passionné, tel un personnage de la Nouvelle Vague égaré dans un roman de Victor Serge. (Voir également la sélection de Gérard Guégan) 

« Ce livre est né d'un sentiment inédit du paysage parisien. Comme un paysan ouvrant à tout de grands yeux, le poète nous apprend à voir d'un regard neuf les passages, les boutiques des coiffeurs à bustes de cire, les bains, les immeubles les plus ordinaires, les affiches, les extraits de journaux, semblables aux collages des peintres. Deux morceaux célèbres du livre, « Le Passage de l'Opéra » et « Le Sentiment de la nature aux Buttes-Chaumont » donnent l'éveil à «la lumière moderne de l'insolite ».

Figure chérie d’une poignée de fans à travers le monde qui voit en lui le représentant du rocker dont on peut croire qu’il a sciemment fait des feintes de corps au succès, Jonathan Richman est un des représentants à l’origine d’une forme de proto-punk (au tout début des années soixante-dix avec son groupe The Modern Lovers), avant de virer vers une sorte folk façon joyeux troubadour. Toujours est-il que, comme pour illustrer cet art du contre-pied, il a consacré une chanson à Picasso “Pablo Picasso” assez proche de ce qu’un Lou Reed période Velvet Underground aurait pu chanter, une autre à Vincent Van Gogh, et pour boucler le sujet, une à Salvador Dali. Un parcours que n’auraient probablement pas renié Breton et ses amis.

Surréaliste, Aimé Césaire le revendique mais tout en se distinguant du courant français où certaines démarches pouvaient apparaître gratuites alors que chez lui, la révolte surréaliste était "bel et bien ramenée à la situation de l'homme de couleur, du Noir dans le monde, du Noir à l'égard de son destin. “Les démarches surréalistes elles-mêmes, j'essayais de les interpréter dans le cadre de la civilisation africaine. Beaucoup de ces démarches, pour moi, n'étaient valables que dans la mesure où elles me permettaient de retrouver le génie profond du moi africain. [...] Je pensais que l'écriture automatique était un moyen de rompre avec cette logique européenne et d'accéder plus précisément à ce trésor qu'était mon moi profond donc mon moi africain.”

En 1918, Breton et Aragon, encore mobilisés, se portaient régulièrement volontaires, à l'hôpital où ils étaient affectés, pour assurer la garde de nuit et là, des heures durant, se lisaient à voix haute les psaumes démoniaques du Comte de Lautréamont. L'année suivante, Breton recopie, à la Bibliothèque nationale, l'exemplaire unique des Poésies, qui sont publiées en avril, dans le n° 2 de Littérature, revue qu'il vient de fonder avec Aragon et Soupault. Dans cette édition de 1953 des œuvres complètes de Lautréamont, on retrouve Les Chants de Maldoror, mais aussi les huit préfaces publiées au fil des éditions, dont celles d’André Breton, Philippe Soupault et Julien Gracq.

Depuis son entrée dans le monde du cinéma avec Un Chien andalou (1929), son premier court métrage réalisé sur un scénario co-écrit avec Salvador Dali, et dont la scène culte de l’œil et du rasoir terrorise encore cent ans après, Luis Buñuel a tourné trente films en cinquante ans, sans jamais vraiment s’éloigner d’une ligne surréaliste faite d’idées libres, saugrenues, imprévisibles, drôles, où le rêve tient une place centrale, et toujours avec pour cible la bourgeoisie et ses carcans.  Réalisé à 72 ans, Le Charme discret de la bourgeoisie est une parfaite synthèse d’une œuvre essentielle.

Né d’une commande de Laurent Le Bon, président du Centre Pompidou, à l'occasion de l'exposition Surréalisme, ce joyeux traité graphique n'aborde pas le mouvement littéraire et intellectuel le plus important du XXe siècle sous l'angle strictement muséal. Damien MacDonald (dont vous pouvez retrouver la sélection) le considère plutôt comme l'outil absolument moderne d'une prochaine révolution des consciences et des inconscients, indispensable face aux défis aggravés du XXIe siècle. « Le surréalisme est le "rayon invisible" qui nous permettra un jour de l'emporter sur nos adversaires. » André Breton

« André Breton, alors interne en médecine, rencontre Jacques Vaché - blessé sur le front en septembre 1915 -, en novembre de la même année, à Nantes. Cette rencontre a toujours été présentée par André Breton comme ayant été la rencontre décisive dans son évolution créatrice ultérieure. « Je suis assez mal portant, vis dans un trou perdu entre des chicots d'arbres calcinés et, périodiquement une sorte d'obus se traîne, parabolique, et tousse - ». Jacques Vaché écrit ainsi son existence au front, dans une lettre célèbre à André Breton. Personnage remarquable par son aptitude à résister au désastre, Jacques Vaché instille dans ses lettres un ton désinvolte et subversif qui dévitalise les nerfs de la guerre et électrise les avant-gardes naissantes. Né en 1895, Jacques Vaché meurt par overdose d'opium à 23 ans. »

S’il reste une influence majeure des surréalistes, on sait finalement peu de choses sur la vie d’Arthur Rimbaud. Naissance à Charleville, départ du père, les premiers poèmes à 15 ans, Georges Izambard, Verlaine, Les Illuminations, Une saison en enfer, Londres, l'Abyssinie, la mort à Marseille en 1891. En ne racontant pas « la » vie du poète mais « une » vie d'Arthur Rimbaud, Damien Cuvillier tente de combler les vides avec une rigoureuse imagination et un dessin à la beauté somptueuse. Deux tomes déjà publiés, trois autres à venir !

« Nous avons renié tout ce qui nous avait précédé. C’est pour ça que nous avons cherché Breton et moi, une issue. Ça a été la découverte de L'Automatisme psychologique. Dans ce livre Pierre Janet parlait d’une façon thérapeutique de découvrir l’inconscient, c’était l’écriture automatique. C’est pourquoi nous avons écrit Les Champs magnétiques, le premier texte surréaliste. » Philippe Soupault 

En 1889, Pierre Janet publie L'Automatisme psychologique qui rencontra un succès immédiat qui dura plus de quarante ans. Pour la première fois avant Freud, l'existence d'un inconscient psychologique est démontrée. 

Publié pour la première fois en France en 1969, Charles Duits nous offre un extraordinaire témoignage de sa rencontre avec André Breton, qui accueillit amicalement à New York, en 1942, ce tout jeune poète de 17 ans. Autour de lui, gravite une constellation surréaliste : la femme de Breton, Jacqueline Lamba, ainsi que Max Ernst, Duchamp, Masson, Tanguy, Man Ray, Matta. Annie Le Brun en dessine magnifiquement les enjeux dans la préface de cette réédition, Attention, « Danger lumineux ! ».

“Maurice est un lecteur. Qu'il soit journaliste, écrivain ou éditeur, sa vie, faite d'austérité, de concentration et d'oubli de soi, est celle d'un lecteur. (...) Maurice est le lecteur qui a su nous faire partager le plus grand nombre de découvertes dans la littérature du XXe siècle, publiant, analysant, disséquant, commentant les textes du monde entier avec lesquels il nous donnait rendez-vous afin que nous ne puissions pas les manquer.” Laure Adler

Ouvrage proprement historique où le mouvement surréaliste, qui s'est développé entre les deux guerres mondiales, est présenté à travers les gestes, les paroles et les écrits des Breton, Tzara, Aragon, Éluard, Jarry, Picabia… 

« Le surréalisme a été une rencontre tout à fait déterminante pour moi, extrêmement importante. Elle s’est faite assez tardivement, vers 1930, 1931 où j’ai connu les œuvres surréalistes assez longtemps après leurs parutions, et après même la période la plus brillante, la plus créatrice du surréalisme était déjà écoulée. » Julien Gracq

Au château d'Argol est le premier roman de Julien Gracq (qui refusa le prix Goncourt en 1951 pour Le Rivage des Syrtes), le premier roman surréaliste tel qu'André Breton le rêvait. “C’est le surréalisme se retournant librement sur lui-même pour se confronter avec les grandes sources du passé.” André Breton

Surréalisme et littérature de genre ont, dès le début, fait bon ménage, les personnages de Fantomas et Nick Carter en tête. Quoi de plus normal, donc, que d’associer ce roman de Patrick Pécherot dont l’action se déroule à Montmartre, roman dans lequel on croisera la Goulue, les surréalistes et André Breton - en voisin puisqu’il habitait rue Fontaine, au pied de la butte -, ou encore les défenseurs de Sacco et Vanzetti. Les brouillards de la Butte, avec son évocation du Paris populaire de l'entre-deux-guerres, a reçu le Grand Prix de littérature policière 2002.